Le Temps

Le sport de demain est né le 5 mai en Corée du Sud

- LAURENT FAVRE, AVEC LES AGENCES @LaurentFav­re

Avec six semaines de retard, la saison de baseball a débuté mardi dans des stades vides. Le football et le golf suivront. Puis les ligues européenne­s, qui observent avec intérêt les mesures prises en Corée pour créer une ambiance en respectant les consignes sanitaires

Le sport de demain est né hier, mardi 5 mai, en Corée du Sud, un jour où le Pays du Matin calme a répertorié trois nouveaux cas de personnes positives au Covid-19 et cinq matchs de baseball. Dans les deux cas, c’était du jamais-vu depuis février. Les deux chiffres donnent le sentiment d’un retour à la normale dans l’un des pays qui ont le plus efficaceme­nt lutté contre la pandémie, et alors que la saison régulière de la ligue profession­nelle, la Korean Baseball Organizati­on (KBO), aurait dû débuter le 28 mars.

Le spectacle de ces rencontres ne ressemblai­t pourtant à rien de connu. Il n’y avait pas de spectateur­s, bien sûr, mais tout de même des cheerleade­rs (pom-pom girls) pour animer les tribunes. On pouvait entendre leurs cris, mais aussi les commentair­es des joueurs dans le dugout (abri) et même le bruit du contact de la balle avec le bois de la batte du frappeur ou le cuir du gant du receveur. Dans les gradins du stade d’Incheon, des visages figés de supporters, imprimés sur des banderoles tendues entre les travées, donnaient l’illusion d’une présence et d’un peu de chaleur. Mais même en photo, tout le monde portait un masque. A Daegu, la ville sud-coréenne la plus durement touchée par le virus, l’écran géant du stade a été utilisé pour diffuser des messages vidéo de joueurs, de célébrités et de fans remerciant les médecins et le personnel soignant.

Et puis, il y a tout ce qu’on ne voit pas, ou plus. Si les joueurs ne portaient pas de masque sur le terrain (au contraire des arbitres et des coachs), ils n’avaient pas le droit de se serrer la main, d’échanger des high five, de cracher, de chiquer (pour ne pas avoir à cracher), de signer des autographe­s (mais à qui?). Auteur du premier home run de la saison, Kim Hyun-soo, des LG Twins, mima une tape fantôme (sans contact) avec l’un de ses entraîneur­s. Hors du terrain, les joueurs de la KBO sont scrupuleus­ement suivis, avec gants à l’entraîneme­nt, port du masque obligatoir­e, crachat interdit et deux contrôles de températur­e avant chaque match. Le contrôle est très strict car la ligue, qui a maintenu son calendrier de 144 parties en saison régulière, devra s’arrêter pour trois semaines au premier cas d’un joueur positif.

Les supporters des équipes, qui sont donc encore loin de retrouver le chemin du stade, ne sont pas les seuls à retenir leur souffle. Car la reprise de la ligue coréenne est également un enjeu pour de nombreuses chaînes sportives en mal de directs depuis près de deux mois. Les diffuseurs de dix pays ont ainsi acheté récemment les droits de la KBO, dont ESPN et le média en ligne japonais Spozone. En proposant six affiches hebdomadai­res de baseball coréen à ses abonnés, ESPN espère se prémunir contre des actions en justice d’abonnés s’estimant lésés par l’absence de retransmis­sions sportives en direct.

D’autres sports et d’autres ligues asiatiques s’apprêtent à redémarrer. En Corée du Sud, les footballeu­rs de la K-League doivent reprendre vendredi, avec d’emblée un «ClasiCorée» entre le triple champion en titre Jeonbuk Hyundai Motors et le vainqueur de la coupe Suwon Bluewings. Le 14 mai, les golfeuses du tour coréen féminin (KLPGA) retrouvero­nt les greens sur le parcours de Yangju, avec quelques-unes des meilleures joueuses mondiales puisque la discipline est extrêmemen­t populaire dans le sud de la péninsule coréenne.

Mais la vraie curiosité des prochains jours aura lieu à Taïwan, où les ligues profession­nelles n’ont pas été suspendues, seulement tenues à huis clos. Le ministre de la Santé autorise à partir du 8 mai la présence d’un maximum de 1000 spectateur­s. L’expérience sera d’abord tentée sur des matchs de baseball à Taipei et à Taichung. Les candidats spectateur­s devront acheter des billets nominatifs correspond­ant à des places attribuées, afin de pouvoir tracer les personnes en cas d’infection. Ils devront également se soumettre à une prise de températur­e, porter en permanence un masque et maintenir un espace d’au moins 1 mètre avec les autres spectateur­s. Ça ne fait pas forcément envie, mais le gouverneme­nt taïwanais y voit un motif de fierté nationale. «Portez votre masque correcteme­nt, montrez notre unité et notre discipline, afin que le monde voie la fierté de Taïwan.»

Si les joueurs ne portaient pas de masque sur le terrain, ils n’avaient pas le droit de se serrer la main

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(CHUNG SUNG-JUN/GETTY IMAGES) Dans le stade d’Incheon, des banderoles ont remplacé les spectateur­s.

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