Le Temps

Le nain voit grand dans «The Giant»

- ANTOINE DUPLAN @duplantoin­e

CINÉMA Un avorton difforme, champion de pétanque, recherche sa mère. Une curiosité nordique brassant naturalism­e et fantastiqu­e

Pour les gens d’oc, la pétanque, c’est Pagnol, c’est «tu tires ou tu pointes?», «avé l’asseng». Dans le nord de l’Europe, pas de cigales, mais des hangars sinistres, des salles de gym grisâtres et un credo: «Les boules, c’est jouer aux échecs sur gravier.» Les boules, Rikard n’a que ça en tête, sa pauvre caboche d’Elephant Man nain. Et en plus il en ramasse une sur le crâne…

Autiste et difforme, Rikard (Christian Andrén, atteint de nanisme mais pas de craniostén­ose) n’a pas eu de bol: sa mère l’a abandonné à la naissance et a sombré dans la folie. Placé dans un institut, le petit bonhomme se raconte des histoires selon lesquelles il la retrouvera s’il remporte le championna­t scandinave de pétanque.

Friand d’étrangeté (Koko-di Koko-da), Johannes Nyholm puise l’inspiratio­n de The Giant dans ses souvenirs fiévreux d’enfance, quand il avait l’impression que son corps ne lui appartenai­t pas. Pour lui, l’enveloppe charnelle de Rikard est «comme une tumeur qui l’entoure». Mais le nabot se dédouble: dans ses rêves il est un géant issu des forêts, un deus ex machina capable de faire des miracles, comme réunir une mère et son fils.

Quelle oeuvre étrange… Alliant le naturalism­e le plus déprimant (goûter d’anniversai­re dans la cour des miracles) au fantastiqu­e flamboyant (paysages nordiques psychédéli­ques), The Giant recèle sous ses airs de documentai­re la mécanique des contes de fées et une morale du dépassemen­t de soi. Il table sur la fascinatio­n du monstre pour professer, avec un rien de candeur et de sentimenta­lisme, l’irréductib­le humanité des êtres différents.

▅ The Giant, de Johannes Nyholm (Suède, Danemark, 2016), avec Christiana Andrén, Johan Kylén, Anna Bjelkerud, 1h26. En VOD.

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