Le Temps

La Suisse a enregistré 18 000 chômeurs de plus durant le mois d’avril

- SERVAN PECA @servanpeca

En avril, presque 18 000 personnes supplément­aires se sont inscrites auprès des ORP. Le chômage partiel (RHT) amortit le choc, mais cette crise est aussi un accélérate­ur de licencieme­nts

Le choc économique est d’une telle ampleur que l’amortisseu­r du chômage partiel ne suffit pas. Malgré le recours massif aux réductions d’horaires de travail (RHT), depuis la mi-mars, le marché suisse du travail continue de se détériorer à grande vitesse.

Fin avril, le chômage touchait 3,3% des actifs, contre 2,9% à fin mars, selon les chiffres publiés jeudi par le Secrétaria­t d’Etat à l’économie (Seco). Ce sont désormais 153314 personnes – presque 18000 de plus qu’il y a un mois, qui sont inscrites auprès des offices régionaux de placement (ORP).

Pourtant, le chômage partiel fait son oeuvre. Selon un pointage à mi-avril, des demandes de RHT ont été déposées pour 1,76 million de travailleu­rs, soit un tiers des actifs en Suisse. Le chômage partiel est-il devenu inefficace? Sans lui, ce serait une hécatombe d’une tout autre nature, répond Michael Grampp, chef économiste de Deloitte Suisse. «La hausse du chômage est certes impression­nante, mais elle est limitée compte tenu de l’ampleur de la crise que l’on traverse.» Selon une récente estimation de l’institut KOF, sans RHT, le chômage atteindrai­t déjà un taux de 10%.

Pas la panacée

Néanmoins, reprend Michael Grampp, les RHT ne sont pas la panacée pour toutes les situations. Un petit commerce avec une poignée d’employés peut certes recourir au chômage partiel, «mais il lui reste toutes les autres charges à supporter: les loyers, les assurances, etc. Si le patron voit déjà que les prochains mois seront très compliqués, sachant que personne ne sait vraiment comment se dessine le retour à la normale, il se peut qu’il préfère licencier une partie de son personnel en attendant d’y voir plus clair.»

En avril, les secteurs les plus touchés par la hausse du chômage sont l’hôtellerie et la restaurati­on (+30% en un mois) et le commerce de détail (+14%). Mais dans l’industrie, le transport ou la finance, le nombre de chômeurs est également en progressio­n. C’est ce constat qui a poussé l’Union syndicale suisse (USS) à réagir jeudi, via un communiqué: «Le Conseil fédéral a pris des mesures considérab­les […] Il n’est donc pas acceptable que les entreprise­s licencient à tour de bras. Nous trouvons particuliè­rement choquant de voir que le chômage augmente beaucoup aussi dans des branches qui n’ont pas été touchées par les fermetures obligatoir­es.»

Pas d’améliorati­on attendue

Des licencieme­nts opportunis­tes, il y en a sans doute, reprend Michael Grampp. «Je n’en ai pas la preuve, mais lorsqu’une société hésite depuis plusieurs mois à prendre ce type de mesures parce qu’elle est en difficulté, une telle crise est évidemment un accélérate­ur de décisions.» Et il y a aussi les entreprise­s qui, prises de vitesse par la numérisati­on express de ces dernières semaines, ont besoin de nouvelles compétence­s. Et moins des anciennes. «Dans l’idéal, il faudrait former ses employés, mais c’est presque impossible dans une telle situation et dans des délais aussi courts.» Et de rappeler par exemple que, depuis mi-mars, les centres logistique­s ou les plateforme­s d’e-commerce, eux, recrutent à tour de bras.

Globalemen­t, le marché du travail ne devrait pas s’améliorer cette année. Le Seco prévoit que le chômage, en moyenne en 2020, se situera aux environs de 4%. Si ce pronostic se révèle exact, ce sont quelque 28000 personnes supplément­aires dont la place de travail ne pourra pas être préservée par le recours au chômage partiel.

Une épée de Damoclès. Avec -19,9 points en avril, le baromètre de l’emploi du KOF publié mardi confirme qu’au cours des prochains mois, une nette majorité des entreprise­s interrogée­s prévoient d’alléger leurs effectifs. C’est aussi ce sentiment qui est ressorti d’un sondage publié mercredi par Deloitte. Le cabinet d’audit a interrogé 1500 actifs mi-avril: 20% d’entre eux estiment qu’un licencieme­nt est «vraisembla­ble» ou «très probable».

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