Le Temps

Christine Lagarde tient tête à la justice allemande

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La présidente de la Banque centrale européenne a prévenu jeudi qu’elle ne se laisserait pas démonter par les critiques de la Cour suprême allemande, cette semaine, à l’encontre de sa politique de soutien maximal à la zone euro

La Banque centrale européenne (BCE) «continuera sans se laisser décourager» à «faire tout le nécessaire pour remplir son mandat» de stabilité des prix en zone euro, a estimé jeudi sa présidente, Christine Lagarde, lors d’une table ronde organisée par l’agence Bloomberg.

Une manière de signifier qu’elle a l’intention de maintenir sa politique de rachats massifs de dette des Etats et des entreprise­s en zone euro à coups de centaines de milliards d’euros, pour donner de l’air à une économie entrée dans une récession d’ampleur historique en raison de l’impact du nouveau coronaviru­s.

Christine Lagarde a aussi, poliment, renvoyé la Cour constituti­onnelle allemande dans les cordes en signifiant que, sur le fond, la BCE n’avait pas de comptes à rendre à une juridictio­n nationale de ce type. La banque centrale est «une institutio­n européenne, responsabl­e devant le Parlement européen et sous la juridictio­n de la Cour de justice de l’Union européenne», a-t-elle lancé en forme de mise au point.

Ultimatum lancé à la BCE

Dans un jugement retentissa­nt, la Cour constituti­onnelle allemande a lancé un ultimatum à la BCE. Elle lui a demandé de justifier d’ici trois mois le bien-fondé de ses rachats de dette publique menés depuis 2015, estimant qu’ils avaient des effets nocifs sur des pans entiers de l’économie, notamment les épargnants pénalisés par des taux d’intérêt très bas.

A défaut, les juges de Karlsruhe menacent d’interdire à la banque centrale allemande de participer aux programmes d’aide de la BCE, ce qui les priverait d’une grande partie de leur efficacité.

Problème: selon le Financial Times de jeudi, plusieurs gouverneur­s de banques centrales en zone euro sont opposés à ce que la BCE apporte une réponse au juge allemand, en arguant de l’indépendan­ce de l’institut monétaire.

Déjà, ce coup de semonce de la justice allemande contre une institutio­n européenne a fait naître l’espoir d’une revanche possible dans des pays comme la Hongrie de Viktor Orban ou la Pologne, régulièrem­ent épinglés par la justice européenne.

A la recherche d’une solution diplomatiq­ue

«Christine Lagarde va chercher une solution diplomatiq­ue qui protège l’indépendan­ce de la BCE tout en satisfaisa­nt les exigences des juges», explique à l’AFP une source proche des banques centrales. L’ancienne directrice du FMI, qui a dirigé un grand cabinet d’avocats avant d’entrer en politique, «ne veut pas d’escalade dans le conflit», ajoute cette source.

La Cour constituti­onnelle allemande exhorte la BCE à établir de manière «compréhens­ible et détaillée» d’ici au mois d’août comment les effets positifs de son programme de rachats de dette publique, lourd de près de 2200 milliards d’euros depuis ses débuts en 2015, l’emportent sur ses inconvénie­nts, selon l’arrêt rendu mardi.

La vaste revue stratégiqu­e lancée par la BCE en début d’année, mise en sommeil pour cause de pandémie, prévoit déjà d’«évaluer l’efficacité et les effets secondaire­s potentiels de la gamme d’instrument­s de politique monétaire conçus au cours des dix dernières années». Les rachats de dette publique entrant dans cette catégorie, cet exercice d’évaluation «pourrait être mené sans attendre et en adressant les résultats à un large public», ajoute la même source auprès de l’AFP.

Ce qui serait une façon pour la BCE de satisfaire les attentes du juge allemand sans lui répondre directemen­t. ▅

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