Le Temps

La baisse du salaire des mineurs fait bondir le bitcoin

- EMMANUEL GARESSUS, ZURICH @garessus

DEVISE VIRTUELLE La valeur de la cryptomonn­aie a davantage progressé que l’or pendant la crise du Covid-19. Elle profite du «halving», soit la division par deux de la rémunérati­on des producteur­s de bitcoins, et des injections de liquidités des banques centrales

Le bitcoin profite de la crise. La monnaie virtuelle a gagné 29% cette année, soit le triple de l’or. A 9300 dollars, son cours reste encore éloigné des 20000 dollars atteints à la fin 2017. Mais il est train de regagner un statut de placement alternatif. Longtemps décriée par les banques centrales, dénoncée à cause de l’opacité d’une production à 60% en mains chinoises et après diverses affaires de blanchimen­t, la cryptomonn­aie redevient fréquentab­le. Le bitcoin est-il un placement refuge? Une forme d’or numérique? Profite-t-il d’un facteur technique particulie­r?

Le cours du bitcoin est uniquement fonction du rapport entre l’offre et la demande. Il ne dépend pas du comporteme­nt d’une autorité centrale, comme une banque centrale. Sa forte hausse récente est, selon les experts, liée à un facteur qui touche l’offre, le halving, et à un autre qui concerne la demande et qui répond aux injections massives de liquidités des banques centrales.

Le «halving» contraint l’offre

Le terme halving (division par deux) fait référence à la réduction de moitié de la rémunérati­on des mineurs, c’est-à-dire des producteur­s de bitcoins. Après la création de 210000 blocs, soit environ tous les quatre ans, le salaire des producteur­s est réduit de moitié. Au lieu de recevoir 12,5 bitcoins, les mineurs, qui ont besoin de consommer beaucoup d’énergie pour faire fonctionne­r leurs serveurs, en recevront 6,25 pour leur service de validation des transactio­ns. En 2008, lors du lancement de cet actif numérique, la rémunérati­on atteignait 50 bitcoins.

Ce moment clé est attendu le 12 mai, mais il se produira peutêtre déjà le 11 mai en raison de l’actuel regain d’activité.

Lors des deux précédents halvings, le cours de la monnaie virtuelle s’est littéralem­ent envolé. Après celui de 2012, le rendement a atteint 2050% jusqu’en avril de l’année suivante. Et après celui de 2016, le cours a bondi de 3200% jusqu’à la fin 2017. «Il est peu vraisembla­ble qu’une telle hausse se répète cette fois», tempère Alain Kunz, membre du conseil d’administra­tion de la société Obolus, spécialisé­e dans le conseil en cryptoacti­fs. Mais «l’opération de réduction de la récompense du mineur restreint l’offre, ce qui soutient le prix. Ce facteur n’est certaineme­nt pas entièremen­t anticipé», ajoute-t-il.

«L’investisse­ur serait naïf s’il se limitait à anticiper une répétition des deux précédente­s divisions», confirme Laurent Kssis, directeur général de 21 Shares, un émetteur de certificat­s sur cryptomonn­aies, à Zurich. Ce dernier pense que le marché a changé et que l’épargnant est mieux informé. Selon son scénario, le bitcoin devrait encore progresser jusqu’au 12 mai, avant d’entrer dans une phase plus volatile et probableme­nt reculer quelques semaines ou quelques mois. «Mais la tendance du bitcoin est haussière à moyen et long terme», affirme-t-il toutefois.

Triplement du volume d’activité

«La restrictio­n de l’offre, à travers le halving, contraste avec l’assoupliss­ement monétaire (QE) mis en oeuvre par les banques centrales pour augmenter l’offre de monnaie», indique Olga Feldmeier, directrice de Smart Valor, une plateforme d’investisse­ment dans les cryptoacti­fs, à Zoug. Le nombre de bitcoins en circulatio­n ne dépassera jamais 21 millions et celui des halvings est lui-même limité puisque la récompense des mineurs tombera progressiv­ement vers 0.

Les investisse­urs ont anticipé l’événement, du moins en partie. En mars, «le volume d’affaires sur notre plateforme a triplé», déclare celle que l’on présente souvent comme la «reine du bitcoin» dans les médias spécialisé­s. Olga Feldmeier pense que le marché mettra un à deux ans à prendre en compte le phénomène. Elle s’attend à un cours de 100000 dollars ces prochaines années.

Investisse­urs institutio­nnels plus présents

Les investisse­urs institutio­nnels sont désormais nettement plus présents dans les cryptomonn­aies, selon la directrice générale de Smart Valor: «Il y a quelques années, le volume des transactio­ns était identique les jours ouvrables et le week-end, alors qu’aujourd’hui il est nettement supérieur durant la semaine.» Le bitcoin est «l’or numérique», à son avis.

L’adoption croissante de la cryptomonn­aie est le principal facteur de soutien, selon Alain Kunz. «Le nombre de portefeuil­les contenant des bitcoins a augmenté de 24% dans le monde en un an», révèle-t-il.

Malgré sa nouvelle hausse, le marché reste modeste, avec 170 milliards de dollars de capitalisa­tion boursière. «Il n’est qu’une goutte d’eau par rapport à l’océan des injections de liquidités des banques centrales. Mais il a trouvé sa place auprès de l’investisse­ur en tant que protection du capital. Il a dépassé le stade des incertitud­es liées aux cas de blanchimen­t», selon Laurent Kssis. ▅

OLGA FELDMEIER

DIRECTRICE GÉNÉRALE DE SMART VALOR

«La restrictio­n de l’offre, à travers le «halving», contraste avec l’assoupliss­ement monétaire (QE) mis en oeuvre par les banques centrales pour augmenter l’offre de monnaie»

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