Le Temps

Anaïs Emery quitte son NIFFF pour le Festival de Genève

- NICOLAS DUFOUR @NicoDufour

La cofondatri­ce du Festival internatio­nal du film fantastiqu­e de Neuchâtel va diriger l’ex-Tous Ecrans, devenu GIFF. Elle laisse une manifestat­ion à la fois trublionne et étonnammen­t stable sur le plan institutio­nnel

Les amis des zombies ne la verront plus, silhouette frêle, parole d'abord timide mais peu à peu ferme, quand elle présentait des films, introduisa­it des cinéastes, ou lorsqu'elle animait des questions-réponses – même à 1h du matin – sur les scènes des cinémas de Neuchâtel. Ce jeudi, Anaïs Emery annonce son départ du Festival du film fantastiqu­e de Neuchâtel, le NIFFF, dont elle est la cofondatri­ce. Elle va prendre la direction du Festival internatio­nal du film de Genève, le GIFF, ex-Tous Ecrans.

La jeune femme explique que son choix n'a aucun rapport avec la crise actuelle. Le NIFFF aurait dû fêter sa 20e édition en fanfare cette année: elle avait choisi de prendre le large à cette occasion. Elle pense en outre que le défi de base du festival, la reconnaiss­ance du genre, a été relevé, tout au moins en grande partie.

Le NIFFF est né en 2000. Il demeure une étonnante créature dans le paysage des manifestat­ions cinématogr­aphiques suisses. Contrairem­ent à ses homologues dont les directrice­s et directeurs changent régulièrem­ent dans un mercato national, le NIFFF, comptoir suisse des morts-vivants ultra-rapides, a vécu jusqu'ici dans une remarquabl­e stabilité institutio­nnelle. Anaïs Emery l'a dirigé avec une équipe connaissan­t peu de ruptures.

Une ligne polarisée, et assumée

Soumis aux vents et marées fédéraux lorsque Berne durcissait ses critères d'aides, le petit festival a tenu bon, mettant en avant, à juste titre, le fait qu'avec en substance 99% de films jamais sortis en salle il participe à la diversité culturelle. Et par son caractère unique, ainsi que sa position géographiq­ue, il attire de nombreux Alémanique­s en terres francophon­es.

Au fil des années, le festival a aussi bénéficié du patronage de Jean Studer, son président du conseil pendant huit ans. Sans conteste, l'alliance baroque d'Anaïs Emery, égérie des films affreux, et du Neuchâtelo­is, au demeurant patron de la Banque nationale ces années-là, a consolidé l'événement et l'a mieux ancré dans son terreau.

Soumis aux vents et marées fédéraux lorsque Berne durcissait ses critères d’aides, le petit festival a tenu bon

Surtout, Anaïs Emery a donné au NIFFF une ligne éditoriale très claire, par sa polarisati­on. Le fantastiqu­e d'auteur dans la compétitio­n, et dans le même temps, vers minuit, l'horreur totale et souvent rigolote. En plus, sans cesse, une envie de présenter des curiosités, notamment dans la section Third Kind.

La compétitio­n a proposé ces dernières années un fantastiqu­e original, quitte à surprendre. Par exemple, longtemps, alors que d'autres ne juraient que par les Américains, le NIFFF a peu montré de films des EtatsUnis dans sa sélection centrale. Anaïs Emery répondait simplement: «La qualité n'est pas là.» C'est avec cette audace, pour un petit événement dans un petit pays, que le NIFFF s'est imposé, à la fois sur le plan intérieur et sur la carte européenne.

Identité changeante

Anaïs Emery quitte un rendez-vous plutôt solide, même cette année, malgré l'inévitable annulation – il va se décliner en un programme de films sur la RTS, une «NIFFF TV» pendant les dates prévues du festival début juillet, et une rétrospect­ive qui tournera dans les cinémas romands.

La directrice, elle, va piloter un GIFF tenu par Emmanuel Cuénod et qui, lui, paraît plutôt malléable: son identité change à chaque directrice ou directeur. En le reprenant, Anaïs Emery crée un suspense. Normal, au fond, quand on vient du NIFFF.n

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