Anaïs Emery quitte son NIFFF pour le Festival de Genève
La cofondatrice du Festival international du film fantastique de Neuchâtel va diriger l’ex-Tous Ecrans, devenu GIFF. Elle laisse une manifestation à la fois trublionne et étonnamment stable sur le plan institutionnel
Les amis des zombies ne la verront plus, silhouette frêle, parole d'abord timide mais peu à peu ferme, quand elle présentait des films, introduisait des cinéastes, ou lorsqu'elle animait des questions-réponses – même à 1h du matin – sur les scènes des cinémas de Neuchâtel. Ce jeudi, Anaïs Emery annonce son départ du Festival du film fantastique de Neuchâtel, le NIFFF, dont elle est la cofondatrice. Elle va prendre la direction du Festival international du film de Genève, le GIFF, ex-Tous Ecrans.
La jeune femme explique que son choix n'a aucun rapport avec la crise actuelle. Le NIFFF aurait dû fêter sa 20e édition en fanfare cette année: elle avait choisi de prendre le large à cette occasion. Elle pense en outre que le défi de base du festival, la reconnaissance du genre, a été relevé, tout au moins en grande partie.
Le NIFFF est né en 2000. Il demeure une étonnante créature dans le paysage des manifestations cinématographiques suisses. Contrairement à ses homologues dont les directrices et directeurs changent régulièrement dans un mercato national, le NIFFF, comptoir suisse des morts-vivants ultra-rapides, a vécu jusqu'ici dans une remarquable stabilité institutionnelle. Anaïs Emery l'a dirigé avec une équipe connaissant peu de ruptures.
Une ligne polarisée, et assumée
Soumis aux vents et marées fédéraux lorsque Berne durcissait ses critères d'aides, le petit festival a tenu bon, mettant en avant, à juste titre, le fait qu'avec en substance 99% de films jamais sortis en salle il participe à la diversité culturelle. Et par son caractère unique, ainsi que sa position géographique, il attire de nombreux Alémaniques en terres francophones.
Au fil des années, le festival a aussi bénéficié du patronage de Jean Studer, son président du conseil pendant huit ans. Sans conteste, l'alliance baroque d'Anaïs Emery, égérie des films affreux, et du Neuchâtelois, au demeurant patron de la Banque nationale ces années-là, a consolidé l'événement et l'a mieux ancré dans son terreau.
Soumis aux vents et marées fédéraux lorsque Berne durcissait ses critères d’aides, le petit festival a tenu bon
Surtout, Anaïs Emery a donné au NIFFF une ligne éditoriale très claire, par sa polarisation. Le fantastique d'auteur dans la compétition, et dans le même temps, vers minuit, l'horreur totale et souvent rigolote. En plus, sans cesse, une envie de présenter des curiosités, notamment dans la section Third Kind.
La compétition a proposé ces dernières années un fantastique original, quitte à surprendre. Par exemple, longtemps, alors que d'autres ne juraient que par les Américains, le NIFFF a peu montré de films des EtatsUnis dans sa sélection centrale. Anaïs Emery répondait simplement: «La qualité n'est pas là.» C'est avec cette audace, pour un petit événement dans un petit pays, que le NIFFF s'est imposé, à la fois sur le plan intérieur et sur la carte européenne.
Identité changeante
Anaïs Emery quitte un rendez-vous plutôt solide, même cette année, malgré l'inévitable annulation – il va se décliner en un programme de films sur la RTS, une «NIFFF TV» pendant les dates prévues du festival début juillet, et une rétrospective qui tournera dans les cinémas romands.
La directrice, elle, va piloter un GIFF tenu par Emmanuel Cuénod et qui, lui, paraît plutôt malléable: son identité change à chaque directrice ou directeur. En le reprenant, Anaïs Emery crée un suspense. Normal, au fond, quand on vient du NIFFF.n