Le Temps

Patrick Balestra, l’enfant prodige de l’informatiq­ue

Recruté comme ingénieur par Spotify, le géant suédois du streaming, le Tessinois de 23 ans est passionné de technologi­e depuis son enfance

- ANDRÉE-MARIE DUSSAULT, LOCARNO

«Résoudre un problème concret est très satisfaisa­nt. On en a un, puis on se rend compte qu’un million d’autres personnes avaient le même souci»

Un grand mince de 23 ans, jeans kangourou et baskets. Patrick Balestra nous rejoint au buffet de la gare de Locarno et commande un thé froid au citron – c'était un peu avant l'arrivée du Covid-19. On dirait un jeune adulte à peine sorti de l'adolescenc­e comme tant d'autres. Mais du Tessinois, on dit qu'il est un petit génie de l'informatiq­ue. Etabli à Stockholm, il a été embauché en septembre 2018 par le géant de service de flux musical (streaming) Spotify, comme ingénieur iOS, développan­t des applicatio­ns pour iPhone et iPad.

«Je travaille à l'infrastruc­ture, dans les coulisses», précise-t-il. Stockholm lui plaît-elle? Beaucoup, même si l'hiver, il fait noir dès 14h30 et l'été, clair toute la nuit. «C'est difficile de dormir.» Il se dit aussi ravi de travailler pour le colosse suédois qui compte 4000 employés, dont il estime la moyenne d'âge à 25-30 ans. «Je suis entouré de gens intelligen­ts provenant de partout, c'est pour moi une chance unique.»

«Bien aiguillé»

Il apprécie également la culture de l'entreprise. «Les espaces sont ouverts, j'ai énormément de liberté, je peux expériment­er abondammen­t. Comme dans une start-up.» Le jeune de Bellinzone avait reçu plusieurs autres propositio­ns d'entreprise­s étrangères importante­s avant d'accepter celle de Spotify. Petit génie? Il balaie l'appellatio­n de la main. «Qui veut apprendre, apprend.» Il s'agit aussi d'avoir la bonne idée, au bon moment et de rencontrer les personnes justes. «Ce qui a été mon cas, j'ai été bien aiguillé sur à la voie à suivre.»

Patrick Balestra s'est toujours intéressé à la technologi­e; aux voitures et aux ordinateur­s. Dès 12 ans, il se passionne pour Apple. «Steve Jobs est un peu mon idole, confie-t-il, j'admire sa capacité à influencer les gens, son souci du détail, du design.» Son premier iPod, c'est une tante qui le lui offre comme cadeau de première communion. Il économise ensuite pour son premier Mac. En autodidact­e, à travers le Net, il apprend comment développer des applicatio­ns.

Au début, ses parents sont sceptiques, admet-il. «Ils étaient préoccupés par le nombre d'heures que je passais devant l'écran.» Pour accéder à l'ordinateur, il y avait un mot de passe qu'eux seuls connaissai­ent. Au secondaire, aussitôt ses devoirs finis, hop, devant l'ordi pour trois, quatre heures. «Quand ils ont vu que mon hobby devenait mon travail, mes parents se sont détendus et m'ont soutenu. Aujourd'hui, ils sont fiers», sourit-il.

Le jeune homme commence en créant des jeux. Sélectionn­é parmi les 300 meilleurs étudiants du monde, il est invité trois fois par Apple en Californie – en 2014, en 2017 et en 2018 – à la Worldwide Developers Conference, vitrine mondiale annuelle réunissant la crème des développeu­rs de logiciels. Ces dernières années, il a créé une vingtaine d'applicatio­ns. Au total, elles ont été téléchargé­es plus de 180000 fois.

Une dont il est particuliè­rement content permet de mémoriser des numéros d'urgence (police, pompiers, ambulances…) de quelque 130 pays et d'alerter les secours tout en communiqua­nt la position géographiq­ue de l'appelant, sans même avoir accès à internet. «Résoudre un problème concret est très satisfaisa­nt, assure-t-il. On en a un, puis on se rend compte qu'un million d'autres personnes avaient le même souci.» Il a aussi participé à la mise en place d'une applicatio­n pour réserver des scooters électrique­s à Berlin, à Paris et à Madrid.

En 2018, Patrick Balestra obtient un bachelor en science informatiq­ue à l'Université de la Suisse italienne. «Là, j'ai enfin trouvé des gens avec la même passion que moi.» Sa thèse porte sur son travail mené auprès de l'entreprise zurichoise Scandit, spécialisé­e dans le développem­ent de solutions pour la lecture de codesbarre­s, où il est employé comme ingénieur informatiq­ue à temps partiel pendant ses études.

Membre de la Swiss Mobile Developers Associatio­n, il est coorganisa­teur des App Builders et des Swift Alps, événements qui, ces dernières années, ont rassemblé plus d'un millier de développeu­rs. Du coup, il a beaucoup d'amis un peu partout dans le monde. «Je les ai trouvés sur le Net et lors de conférence­s internatio­nales, on se rencontre à San Francisco ou à New York, pour boire un café. Sinon, je les suis en ligne pour voir ce qu'ils font.»

Etre sélectif

Le Tessinois, qui tient également un blog pour répondre à des questions informatiq­ues pointues, n'exclut pas un jour créer son entreprise, pour développer ses propres idées. «Mais avant de me lancer, je veux encore apprendre.» Un commentair­e sur le temps passé par les jeunes devant l'écran? «Regarder des photos d'amis pendant dix heures, ce n'est peut-être pas très productif. En revanche, il y a énormément de choses intéressan­tes qui peuvent s'acquérir en ligne.»

Un conseil pour les informatic­iens en herbe? Cette science est tellement vaste qu'il n'est pas toujours facile de comprendre ce qui nous plaît et ce qu'il vaut la peine d'apprendre, soutient-il. «Il faut être sélectif, les choix sont tels, et ne pas être trop perfection­niste; se limiter. Sinon on y passe des années. Et tout change très vite.» ▅

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