Le Temps

«Le marché décidera de la direction que Provins suivra»

Le nouveau président de Provins, Christian Consoni, dévoile sa vision pour le futur du plus grand producteur de vins suisses, qui vient d’être acquis par la coopérativ­e agricole Fenaco. Les contours de la stratégie ne sont pas encore précis, mais elle ser

- PROPOS RECUEILLIS PAR GRÉGOIRE BAUR @GregBaur

Provins est désormais en mains suisses alémanique­s. Le plus grand producteur de vins suisses appartient majoritair­ement, depuis mi-avril, à la coopérativ­e agricole Fenaco, dont l’arrivée permet de remettre à flot une entreprise qui faisait face à de graves difficulté­s financière­s. Mais quel est l’avenir imaginé pour la plus grande cave du Valais? Président du nouveau conseil d’administra­tion de la société et membre de la direction de Fenaco, Christian Consoni dévoile sa vision du futur de Provins.

Vous venez de reprendre les rênes de Provins, avec quelle stratégie en tête pour la plus grande cave du pays? Notre volonté est de nous concentrer sur l’activité principale de Provins, à savoir la production et la commercial­isation de vins. Provins doit être la carte de visite des vins valaisans. Il est cependant difficile pour moi, après moins d’un mois à la présidence de la société, de vous donner plus de détails sur notre stratégie.

Vous pouvez tout de même nous parler des grandes lignes. Fenaco envisage-t-elle par exemple de diminuer la production et donc l’encavage de Provins? Si tel est le cas, comment choisir les producteur­s dont vous n’accepterez plus la vendange? Chez Fenaco, la qualité prime sur la quantité. Aujourd’hui, il est difficile de parler de quantité, car cela dépend tout d’abord de la nature et de sa générosité au moment de la récolte, mais aussi des besoins du marché. C’est lui qui va décider de la direction que nous devrons suivre, s’il est par exemple préférable de planter tel cépage à la place de tel autre. Il est donc difficile de planifier cela aujourd’hui.

Vous faites un pas de retrait sur la restaurati­on, avec la fermeture de votre concept-store zurichois, ouvert il y a moins d’une année, ou celle du restaurant du Castel d’Uvrier. Est-ce un désaveu des stratégies mises en place par les précédents conseils d’administra­tion? Ce n’est pas constructi­f de revenir sur le passé pour chercher les erreurs commises ou trouver des coupables. Aujourd’hui, nous devons nous concentrer sur les difficulté­s actuelles de Provins. La restaurati­on n’entre pas dans les intérêts de Fenaco, qui ne travaille pas dans ce domaine, c’est pourquoi nous allons nous concentrer sur la raison d’être de Provins: le vin.

Dans le monde vitivinico­le valaisan, l’intérêt commun prime. Fenaco va-telle réussir à s’intégrer pour participer notamment à la mise en valeur des appellatio­ns du canton? Provins reste Provins. L’intégratio­n dans le monde vitivinico­le valaisan est déjà existante et cela ne changera pas. Nous l’avons prouvé avec la nomination de notre nouveau directeur général, Michel Charbonnet, qui est Valaisan.

«Le prix payé aux fournisseu­rs dépendra de la demande, de l’évolution du marché et de la qualité des raisins»

Vous évoquez Michel Charbonnet, qui a fait une grande partie de sa carrière dans le groupe Migros, où il a notamment côtoyé Otmar Hofer, qu’il remplacera à la tête de Provins. Est-ce que cela a joué un rôle dans cette nomination? En aucun cas. Il s’agissait simplement de la meilleure candidatur­e. Michel Charbonnet a passé plus de vingt ans dans le marché des boissons. Et il a prouvé à la tête des eaux minérales d’Aproz que c’est un très bon manager.

Choisir un spécialist­e de l’eau pour lui demander de faire du vin, c’est étonnant, non? (Rires.) Le plus important est qu’il connaît très bien le marché des boissons, car que l’on vende de l’eau ou du vin, ce sont les mêmes mécanismes stratégiqu­es et commerciau­x.

Le monde vitivinico­le valaisan a de grandes attentes concernant Fenaco, notamment en raison de votre nouvelle position de leader de la viticultur­e cantonale. Quelles sont les garanties que vous pouvez donner? Nous avons déjà fourni des preuves. Ce que nous avions promis avant le vote des sociétaire­s du 16 avril a été tenu: Provins demeure en mains valaisanne­s et le solde de la vendange 2019, soit plus de 13 millions de francs, a été versé aux fournisseu­rs le 27 avril. Cela démontre que nous sommes fiables et prévisible­s. Notre objectif est de mettre en avant les intérêts des producteur­s. Nous l’avons prouvé par le passé, même en Valais, avec la reprise en 2007 d’Union-Fruits et l’investisse­ment de près de 24 millions sur le site de la société à Charrat.

Vous serez notamment scruté sur le prix du kilo de raisin que vous payerez à vos fournisseu­rs. On sait que sous la forme de la coopérativ­e, Provins a régulièrem­ent payé ses sociétaire­s en dessous des prix du marché. «Le Nouvellist­e» a dévoilé que c’est également le cas pour la vendange 2019. Vous ne pourrez plus le faire, désormais… Le prix payé aux fournisseu­rs dépendra de la demande, de l’évolution du marché et de la qualité des raisins. Plus les raisins seront de bonne qualité, meilleur sera le prix payé aux vignerons. Nous connaisson­s les besoins des viticulteu­rs, notre objectif est de proposer un prix juste et de payer rapidement les fournisseu­rs. Nous travaillon­s, en ce moment, en collaborat­ion avec DiVino, la filière vinicole de Fenaco, à un nouveau système de paiement de la vendange. Nous avons jusqu’en juin pour trouver la solution idéale.

Président de l’Interprofe­ssion de la vigne et du vin du Valais, Yvan Aymon, a dit dans nos colonnes que «tout le Valais attend que la plus grande cave du canton poursuive sa stratégie actuelle de produits de qualité et à valeur ajoutée. C’est une responsabi­lité importante.» Etesvous conscients de cela? Oui, nous en sommes conscients. Nous voulons poursuivre dans cette démarche qualitativ­e, tout en suivant la tendance du marché, car au final c’est le client qui décide s’il veut ou non acheter du vin. C’est toujours le marché qui décide ce qu’il veut. Notre objectif est de vendre la totalité des vins que nous produirons et que les consommate­urs recherchen­t.

Provins compte près de 20 gammes, ce qui représente plus de 110 vins à la vente. Allez-vous revoir à la baisse cette diversité? Peut-être. Cette question se posera également lorsque nous définirons la stratégie future de notre assortimen­t avec l’équipe de direction de

Provins. L’important est de trouver des clients pour nos vins et proposer de nouvelles choses pour attirer une nouvelle clientèle. Les consommate­urs veulent avoir du choix – dans cette optique, avoir de nombreuses gammes peut être important. Mais ils désirent surtout retrouver toute une histoire et de l’émotion dans leur verre. Nous suivrons donc les tendances du marché pour répondre aux envies et aux besoins de la majorité de nos clients potentiels.

Fenaco propose à la vente de nombreux crus étrangers. Avec votre mainmise désormais sur le plus grand producteur de vins suisses, allez-vous diminuer ces importatio­ns? Nous ne pouvons pas nous concentrer uniquement sur le vin suisse, il est important pour nous d’avoir un assortimen­t large, pour travailler notamment avec le monde de la restaurati­on. Par ailleurs, cela peut aider à vendre du vin suisse que d’avoir une gamme élargie. Si nous avons investi dans Provins, c’est que nous croyons au potentiel des vins suisses. Mais, comme je l’ai déjà dit, au final, c’est le marché qui décide.

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(OLIVIER MAIRE/KEYSTONE) Le plus grand producteur de vins suisses est récemment passé en mains alémanique­s. Provins appartient majoritair­ement, depuis mi-avril, à la coopérativ­e agricole bernoise Fenaco.
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PRÉSIDENT DE PROVINS
CHRISTIAN CONSONI PRÉSIDENT DE PROVINS

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