Le Temps

Les coachs sportifs à bout de souffle

- FLORIAN DELAFOI @floriandel

La période de fermeture des salles de sport a brutalemen­t freiné l’activité des entraîneur­s indépendan­ts, privés d’une partie de leur clientèle et d’un environnem­ent de travail adapté. La réouvertur­e est entourée d’incertitud­es

«Ce passage à vide était très dur. Heureuseme­nt que ma copine travaillai­t pour payer le loyer.» Coach sportif, Julien Sicre venait de lancer son activité quelques mois avant l’annonce de la fermeture des clubs de fitness. Ces établissem­ents, qui disposent de machines sophistiqu­ées et d’une solide clientèle, forment un socle essentiel pour les entraîneur­s indépendan­ts. Cet arrêt brutal aurait pu lui être fatal. «L’idée de tout arrêter m’a traversé l’esprit, confie Julien Sicre. J’ai eu des moments de déprime mais ma passion, c’est d’aider les gens à atteindre leurs objectifs.»

Alors il a tenu tant bien que mal en donnant quelques cours à distance à prix cassé «pour ne pas risquer de contaminer des clients». L’allocation pour perte de gain de la Confédérat­ion est bien arrivée, sans pour autant dégager son horizon profession­nel. «J’ai reçu une aide, mais la somme était insignifia­nte. Cela m’a juste permis de payer mon assurance maladie.» Lundi, il a pu reprendre le chemin de la salle de sport avec un certain soulagemen­t. «Même s’il y a moins de monde, la réouvertur­e des clubs permet de relancer doucement l’activité.»

«Les aider au mieux»

Lui, comme beaucoup de ses collègues, exerce dans le réseau Let’s Go, qui compte près de 70 établissem­ents dans le pays. Une entreprise qui voit son activité chamboulée par les mesures sanitaires. Le nombre de clients est limité, le matériel a été espacé et est désinfecté plusieurs fois par jour. «Les cours collectifs n’ont pas lieu et nos collaborat­eurs ont bénéficié d’une semaine de formation pour ne pas être surpris par le protocole en place», souligne François Victor, patron de Let’s Go. Et pour les travailleu­rs indépendan­ts? «On essaie de les aider au mieux en évitant des charges trop lourdes», répond-il, sans préciser la teneur de ce soutien.

Peur de la maladie

Selon plusieurs sources, les entraîneur­s particulie­rs paient en temps normal un loyer mensuel de 970 francs pour exercer dans les salles du groupe romand. Le versement des loyers a été suspendu pendant la période de fermeture. Pour le mois de mai, déjà entamé, la somme serait passée à environ 300 francs. «On doit être solidaire pour préparer la suite, affirme Marília Marques, coach sportive. On espère que les dispositio­ns sanitaires vont s’assouplir dans les prochaines semaines.» «Si j’arrête d’exercer, je ne paie plus mon loyer, confie l’un de ses homologues sous couvert d’anonymat, qui a vu ses revenus chuter de 30 à 40%. Ce serait un cercle vicieux, tout le monde y perdrait.»

Si elle est bienvenue, la reprise s’accompagne d’incertitud­es. «Les deux prochaines semaines s’annoncent calmes, constate Jérémy Siegrist, instructeu­r indépendan­t à La Chaux-de-Fonds. Mes clients ont vu leurs horaires de travail bouleversé­s et l’accès aux vestiaires est plus compliqué. Dans ces conditions, il est difficile de trouver des créneaux pour une séance.»

La peur de la contaminat­ion refroidit également bon nombre de sportifs, notamment les plus âgés. Les mesures de précaution drastiques pourraient toutefois rassurer certains réticents, espère Jérémy Siegrist: «Le bouche-à-oreille permettra sans doute aux salles de se remplir à nouveau.»

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