Les coachs sportifs à bout de souffle
La période de fermeture des salles de sport a brutalement freiné l’activité des entraîneurs indépendants, privés d’une partie de leur clientèle et d’un environnement de travail adapté. La réouverture est entourée d’incertitudes
«Ce passage à vide était très dur. Heureusement que ma copine travaillait pour payer le loyer.» Coach sportif, Julien Sicre venait de lancer son activité quelques mois avant l’annonce de la fermeture des clubs de fitness. Ces établissements, qui disposent de machines sophistiquées et d’une solide clientèle, forment un socle essentiel pour les entraîneurs indépendants. Cet arrêt brutal aurait pu lui être fatal. «L’idée de tout arrêter m’a traversé l’esprit, confie Julien Sicre. J’ai eu des moments de déprime mais ma passion, c’est d’aider les gens à atteindre leurs objectifs.»
Alors il a tenu tant bien que mal en donnant quelques cours à distance à prix cassé «pour ne pas risquer de contaminer des clients». L’allocation pour perte de gain de la Confédération est bien arrivée, sans pour autant dégager son horizon professionnel. «J’ai reçu une aide, mais la somme était insignifiante. Cela m’a juste permis de payer mon assurance maladie.» Lundi, il a pu reprendre le chemin de la salle de sport avec un certain soulagement. «Même s’il y a moins de monde, la réouverture des clubs permet de relancer doucement l’activité.»
«Les aider au mieux»
Lui, comme beaucoup de ses collègues, exerce dans le réseau Let’s Go, qui compte près de 70 établissements dans le pays. Une entreprise qui voit son activité chamboulée par les mesures sanitaires. Le nombre de clients est limité, le matériel a été espacé et est désinfecté plusieurs fois par jour. «Les cours collectifs n’ont pas lieu et nos collaborateurs ont bénéficié d’une semaine de formation pour ne pas être surpris par le protocole en place», souligne François Victor, patron de Let’s Go. Et pour les travailleurs indépendants? «On essaie de les aider au mieux en évitant des charges trop lourdes», répond-il, sans préciser la teneur de ce soutien.
Peur de la maladie
Selon plusieurs sources, les entraîneurs particuliers paient en temps normal un loyer mensuel de 970 francs pour exercer dans les salles du groupe romand. Le versement des loyers a été suspendu pendant la période de fermeture. Pour le mois de mai, déjà entamé, la somme serait passée à environ 300 francs. «On doit être solidaire pour préparer la suite, affirme Marília Marques, coach sportive. On espère que les dispositions sanitaires vont s’assouplir dans les prochaines semaines.» «Si j’arrête d’exercer, je ne paie plus mon loyer, confie l’un de ses homologues sous couvert d’anonymat, qui a vu ses revenus chuter de 30 à 40%. Ce serait un cercle vicieux, tout le monde y perdrait.»
Si elle est bienvenue, la reprise s’accompagne d’incertitudes. «Les deux prochaines semaines s’annoncent calmes, constate Jérémy Siegrist, instructeur indépendant à La Chaux-de-Fonds. Mes clients ont vu leurs horaires de travail bouleversés et l’accès aux vestiaires est plus compliqué. Dans ces conditions, il est difficile de trouver des créneaux pour une séance.»
La peur de la contamination refroidit également bon nombre de sportifs, notamment les plus âgés. Les mesures de précaution drastiques pourraient toutefois rassurer certains réticents, espère Jérémy Siegrist: «Le bouche-à-oreille permettra sans doute aux salles de se remplir à nouveau.»
■