Sécurité sociale, l’angoisse française
C’est le chiffre que tous les Français devraient retenir, car il dit l’abîme économique et social creusé par l’épidémie de Covid-19. En 2020, le régime général de la sécurité sociale (qui inclut l’assurance maladie publique pour tous) et le fonds de solidarité vieillesse (qui assure le versement des pensions de base) devraient accuser un déficit de 41 milliards d’euros… au lieu des 5,4 milliards d’euros prévus, et d’un déficit ramené à 1,9 milliard en 2019. Un coût lié à l’explosion du chiffre des hospitalisations: environ 22000 patients contaminés sont aujourd’hui pris en charge dans les hôpitaux français, où leurs soins sont intégralement remboursés par la «sécu». Ils étaient près de 29 000 au pic de l’épidémie, début avril.
La sécurité sociale n’est pas le seul filet de protection dont bénéficient les Français face au Covid-19. Mais il est le plus révélateur car ces dépenses publiques sont incompressibles, à l’heure où l’économie française fait le compte des pertes accumulées durant le confinement, évaluées par l’institut OFCE à 120 milliards d’euros. Résultat: un brouillard très dense s’est abattu sur les finances du pays depuis le vote par le parlement, le 21 mars, du projet de loi de finances rectificative. Le Haut Conseil des finances publiques s’est même défaussé, estimant «ne pas être en mesure d’évaluer le degré de réalisme des prévisions de dépenses».
Sur le plan des aides directes, le «filet» français déployé depuis le 17 mars a trois types de mailles. La première est constituée par les aides d’urgence, comme les 1500 euros (maximum) alloués aux très petites entreprises et aux indépendants, grâce au fonds de solidarité mis en place par l’Etat, les régions et les compagnies d’assurances. La seconde est constituée par les primes promises au personnel soignant (entre 500 et 1500 euros) et à la «deuxième ligne de front» (salariés de l’agroalimentaire, livreurs, manutentionnaires…), dont le versement est prévu en août. La troisième maille est le chômage partiel dont bénéficient aujourd’hui près de 12 millions de Français (sur 27 millions d’actifs), et les mesures complémentaires d’extension de certains régimes spéciaux comme celui des intermittents du spectacle. A elle seule, la facture du chômage partiel – que le gouvernement cessera de garantir en juin – atteindrait les 30 milliards d’euros…
L’Etat français, qui dépense 34% (environ 780 milliards d’euros par an) de son PIB pour la protection sociale – record européen – accumule donc les déficits. Avec une question: le choix des aides directes aux salariés plutôt qu’aux entreprises est-il le bon pour redémarrer l’économie? Et pourra-t-on éviter, vu son coût astronomique, de reposer la question de l’abrogation des 35 heures de travail hebdomadaires qui ont tant contribué à la désorganisation des hôpitaux depuis leur entrée en vigueur, en janvier 2000?
▅