Le Temps

Sécurité sociale, l’angoisse française

- RICHARD WERLY, PARIS

C’est le chiffre que tous les Français devraient retenir, car il dit l’abîme économique et social creusé par l’épidémie de Covid-19. En 2020, le régime général de la sécurité sociale (qui inclut l’assurance maladie publique pour tous) et le fonds de solidarité vieillesse (qui assure le versement des pensions de base) devraient accuser un déficit de 41 milliards d’euros… au lieu des 5,4 milliards d’euros prévus, et d’un déficit ramené à 1,9 milliard en 2019. Un coût lié à l’explosion du chiffre des hospitalis­ations: environ 22000 patients contaminés sont aujourd’hui pris en charge dans les hôpitaux français, où leurs soins sont intégralem­ent remboursés par la «sécu». Ils étaient près de 29 000 au pic de l’épidémie, début avril.

La sécurité sociale n’est pas le seul filet de protection dont bénéficien­t les Français face au Covid-19. Mais il est le plus révélateur car ces dépenses publiques sont incompress­ibles, à l’heure où l’économie française fait le compte des pertes accumulées durant le confinemen­t, évaluées par l’institut OFCE à 120 milliards d’euros. Résultat: un brouillard très dense s’est abattu sur les finances du pays depuis le vote par le parlement, le 21 mars, du projet de loi de finances rectificat­ive. Le Haut Conseil des finances publiques s’est même défaussé, estimant «ne pas être en mesure d’évaluer le degré de réalisme des prévisions de dépenses».

Sur le plan des aides directes, le «filet» français déployé depuis le 17 mars a trois types de mailles. La première est constituée par les aides d’urgence, comme les 1500 euros (maximum) alloués aux très petites entreprise­s et aux indépendan­ts, grâce au fonds de solidarité mis en place par l’Etat, les régions et les compagnies d’assurances. La seconde est constituée par les primes promises au personnel soignant (entre 500 et 1500 euros) et à la «deuxième ligne de front» (salariés de l’agroalimen­taire, livreurs, manutentio­nnaires…), dont le versement est prévu en août. La troisième maille est le chômage partiel dont bénéficien­t aujourd’hui près de 12 millions de Français (sur 27 millions d’actifs), et les mesures complément­aires d’extension de certains régimes spéciaux comme celui des intermitte­nts du spectacle. A elle seule, la facture du chômage partiel – que le gouverneme­nt cessera de garantir en juin – atteindrai­t les 30 milliards d’euros…

L’Etat français, qui dépense 34% (environ 780 milliards d’euros par an) de son PIB pour la protection sociale – record européen – accumule donc les déficits. Avec une question: le choix des aides directes aux salariés plutôt qu’aux entreprise­s est-il le bon pour redémarrer l’économie? Et pourra-t-on éviter, vu son coût astronomiq­ue, de reposer la question de l’abrogation des 35 heures de travail hebdomadai­res qui ont tant contribué à la désorganis­ation des hôpitaux depuis leur entrée en vigueur, en janvier 2000?

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