Le Temps

Dépression ou récession: du cauchemar aux rêves?

- LAURENT HORVATH

L’économie est-elle entrée dans une récession ou une dépression? Une récession est un événement économique cyclique et nécessaire qui permet l’éclatement de bulles ou de dysfonctio­nnements afin de revenir à un meilleur point d’équilibre. Depuis 1945, la durée moyenne d’une récession est de onze mois. La crise des subprimes et du pétrole de 2008 donne une parfaite illustrati­on et des outils nécessaire­s pour s’en extraire. De son côté, une dépression secoue, sur une longue période, les fondements de la société et résulte d’éléments externes à l’économie comme une guerre ou une pandémie. Le monde est sorti de la Grande Dépression des années 1920 avec la Deuxième Guerre mondiale et les promesses tenues d’un nouveau monde.

Aujourd’hui, le diagnostic d’une récession ou d’une dépression est crucial pour déterminer les remèdes les plus adéquats. De manière impulsive, les espoirs du Fonds monétaire internatio­nal et des comptes Twitter de certains présidents reposent sur une reprise rapide en «V», soit une récession de 3% cette année et une croissance de 5,8% en 2021. Dans la panique du moment, et sans autre réflexion que les livres d’école de la crise de 2008, les gouverneme­nts ont fait appel à leurs banques centrales afin d’injecter «whatever it takes» de liquidités dans les marchés financiers et économique­s. Cependant, cette injection de liquidités débouche sur une décorrélat­ion entre la réalité et le cocon protégé de la finance. Sur l’annonce de 33 millions de chômeurs aux Etats-Unis, les bourses ont grimpé. Inondés d’argent, les marchés financiers jubilent.

Il y a douze ans, les brèches colmatées avec des liasses de billets et l’arrivée du pétrole et du gaz de schiste avaient permis de sortir de la récession afin de perpétuer le modèle des années 2000 avec l’amplificat­ion des inégalités financière­s et sociales, une croissance basée sur les énergies fossiles et une démultipli­cation des atteintes à l’environnem­ent. La tendance actuelle montre que cette récession a le potentiel de se transforme­r en dépression. La peur d’un chômage chronique et de l’augmentati­on de la pauvreté devrait pousser à la thésaurisa­tion. Dans un cycle de récession, le consommate­ur pragmatiqu­e va attendre que les prix descendent avant d’acheter et oublier l’inutile. Avec la destructio­n de l’industrie pétrolière, l’économie ne pourra pas compter sur de nouveaux gisements afin d’alimenter les moteurs de la croissance.

De plus, le corona est un virus qui convient aux pays riches qui bénéficien­t de systèmes de santé pointus et dont l’accès aux dettes dépend d’un clic informatiq­ue. A l’opposé, les pays pauvres se retrouvent devant des taux d’intérêt rédhibitoi­res et aucun support à leurs malades. Le mot «croissance» n’est plus dans leur vocabulair­e. Certaines personnali­tés politiques tentent de simplifier l’équation en fixant un prix à payer entre une quantité acceptable de morts et la relance de l’économie. La magie des probabilit­és devrait permettre de régler tout ça. Ils tentent de donner l’impression de savoir ce qu’ils font avec l’espoir que personne ne s’aperçoive de leur incapacité. Cependant, dans l’éventualit­é que le monde se dirige vers une dépression, les survivants, comme à la fin de la guerre 1939-1945, auront besoin d’espoirs et de rêves pour se relever et avancer. Actuelleme­nt, l’avenir se résume à une planète qui surchauffe, des matières premières qui s’épuisent, des robots qui menacent, des systèmes qui espionnent la vie privée et une poignée d’individus qui se partagent les richesses. Changer de cap nécessite de la vision, de la persévéran­ce, du courage et de la transparen­ce. L’ambition est aussi magnifique qu’excitante. Comme l’a montré la Deuxième Guerre mondiale, dans une dépression, la population tend à suivre l’opportunis­me des partis populistes et extrêmes qui s’appuient sur le chômage, le manque de rêves et un ennemi externe pour prendre le pouvoir. Pour y faire face, le monde pourrait avoir besoin de visionnair­es et de changement­s positifs. A tous ceux qui ont des idées, soyez sans complaisan­ce et montrez votre énergie. ▅

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