L’OMS au chevet de la pandémie sur fond de tensions sino-américaines
L'Assemblée mondiale de la santé s'est ouverte de façon virtuelle lundi. Si nombre d'Etats ont réitéré leur fort soutien à l'OMS, les Etats-Unis l'ont fustigée, soulignant que le «statu quo est intolérable». L'intervention du président chinois Xi Jinging,
Emmanuel Macron l’a déclaré en ligne: la 73e Assemblée mondiale de la santé (AMS) qui s’est ouverte lundi de façon virtuelle en raison du Covid-19 «est l’une des plus importantes de l’histoire de l’OMS». Le qualificatif n’est sans doute pas galvaudé tant l’agence onusienne basée à Genève est au coeur de toutes les attentes face à une pandémie qui ravage la planète et au carrefour des très fortes pressions engendrées par la géopolitique mondiale du moment. Le président français l’a martelé: «Nous n’avons pas le droit de nous diviser, de nous dérober.» Alors que l’administration de Donald Trump ne cesse de tirer à boulets rouges sur l’institution onusienne, Emmanuel Macron, au même titre que nombre d’Etats européens et africains, a apporté un soutien musclé à l’organisation. La France a ainsi augmenté substantiellement son soutien financier à l’OMS.
Finances lacunaires
De son côté, Angela Merkel n’est pas restée en retrait. La chancelière allemande a toujours oeuvré au renforcement de l’OMS, appelant en vain en 2015 à Genève les Etats à augmenter sensiblement leurs contributions obligatoires. Elle a également poussé à la tenue du premier G20 de la santé à Berlin en 2017. Lundi, elle a parlé de la «légitimité» de l’OMS sans exclure la nécessité de la réformer. La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga, juge elle aussi nécessaire que l’organisation procède à une «analyse critique» de son action. Mais contrairement à Washington, elle a cherché à apaiser le climat tendu qui règne autour de l’institution genevoise, relevant qu’il n’était pas opportun «d’ébranler» les fondements du multilatéralisme, de la solidarité et de la coopération internationales, mais qu’il fallait au contraire les «fortifier». La conseillère fédérale a touché un point sensible de l’organisation: ses finances très lacunaires. «L’OMS doit avoir une plus grande marge de manoeuvre financière. 80% de son budget proviennent de contributions volontaires. Est-il décent d’exiger autant d’elle et de la financer de façon si arbitraire?»
Dans un contexte de très fortes tensions entre la Chine et les Etats-Unis dont l’OMS subit directement les effets, l’intervention du président chinois, Xi Jinping, n’a pas fait d’éclats. Se ralliant à de nombreux Etats, il a accepté le principe d’une évaluation globale et indépendante de la riposte globale à la pandémie une fois la crise passée pour autant qu’elle soit menée par «des scientifiques et professionnels en toute objectivité et impartialité». Pékin sent visiblement la pression, réagissant ces derniers jours avec virulence à la volonté australienne, appuyée par 62 pays, de mener une enquête internationale focalisée sur la Chine.
Le vaccin, arme géopolitique
Au vu de la course effrénée au vaccin, lequel pourrait devenir une arme géopolitique redoutable, il a précisé que, pour la Chine, où sont développés huit vaccins, la création d’un tel antidote serait un «bien public global». Une manière de marquer la différence d’avec la Maison-Blanche où l’idée est de privilégier la population américaine. A cet égard, une bataille musclée se poursuit autour d’un projet de résolution proposée par l’Union européenne et soutenu par de nombreux Etats visant à garantir un accès équitable, abordable des traitements, médicaments et vaccins. Xi Jinping a annoncé que Pékin aiderait les pays les plus touchés à hauteur de 2 milliards de dollars.
Du côté américain, le ministre de la Santé, Alex Azar, s’en est pris directement à Pékin: «Dans une apparente tentative de cacher cette pandémie, un Etat membre (de l’OMS) au moins s’est moqué de ses obligations de transparence et cette lacune a provoqué des coûts énormes pour la planète entière.» Quant à l’OMS, elle en prend aussi pour son grade: «L’OMS a failli dans sa mission fondamentale de partage d’informations et de transparence. […] Cela ne doit plus arriver. Le statu quo est intolérable. L’OMS doit changer.» Berlin n’est de loin pas sur la même longueur d’onde que Washington, mais le ministre allemand de la Santé, Jens Spahn, a reconnu qu’il fallait que l’OMS «devienne plus indépendante des pressions extérieures». Lundi, Washington a pesté contre le fait que Taïwan n’ait pas été invité à participer à l’AMS en tant qu’observateur. Les 194 Etats membres en discuteront lors de la prochaine session de l’AMS cet automne.
Cette assemblée «est l’une des plus importantes de l’histoire de l’OMS. Nous n’avons pas le droit de nous diviser, de nous dérober»
EMMANUEL MACRON
Adulé par nombre de pays du Sud qui ont contribué à son élection en 2017, honni par les EtatsUnis qui le jugent inféodé au pouvoir chinois, le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Gebreyesus, est resté sobre, tout en faisant passer son message. «Si cette pandémie doit nous enseigner quelque chose, c’est l’humilité.» Rappelant tout ce que son organisation a fait depuis le début de la crise, il a souligné: «Le Covid-19 montre pourquoi les investissements dans la santé doivent être au coeur du développement.» Patron de l’ONU, Antonio Guterres s’est montré très dur: «Les pays ont suivi des stratégies différentes, parfois contradictoires, et nous en payons tous le prix fort. […] De nombreux pays ont ignoré les recommandations de l’OMS.»
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