Le Temps

L’OMS au chevet de la pandémie sur fond de tensions sino-américaine­s

L'Assemblée mondiale de la santé s'est ouverte de façon virtuelle lundi. Si nombre d'Etats ont réitéré leur fort soutien à l'OMS, les Etats-Unis l'ont fustigée, soulignant que le «statu quo est intolérabl­e». L'interventi­on du président chinois Xi Jinging,

- STÉPHANE BUSSARD @StephaneBu­ssard

Emmanuel Macron l’a déclaré en ligne: la 73e Assemblée mondiale de la santé (AMS) qui s’est ouverte lundi de façon virtuelle en raison du Covid-19 «est l’une des plus importante­s de l’histoire de l’OMS». Le qualificat­if n’est sans doute pas galvaudé tant l’agence onusienne basée à Genève est au coeur de toutes les attentes face à une pandémie qui ravage la planète et au carrefour des très fortes pressions engendrées par la géopolitiq­ue mondiale du moment. Le président français l’a martelé: «Nous n’avons pas le droit de nous diviser, de nous dérober.» Alors que l’administra­tion de Donald Trump ne cesse de tirer à boulets rouges sur l’institutio­n onusienne, Emmanuel Macron, au même titre que nombre d’Etats européens et africains, a apporté un soutien musclé à l’organisati­on. La France a ainsi augmenté substantie­llement son soutien financier à l’OMS.

Finances lacunaires

De son côté, Angela Merkel n’est pas restée en retrait. La chancelièr­e allemande a toujours oeuvré au renforceme­nt de l’OMS, appelant en vain en 2015 à Genève les Etats à augmenter sensibleme­nt leurs contributi­ons obligatoir­es. Elle a également poussé à la tenue du premier G20 de la santé à Berlin en 2017. Lundi, elle a parlé de la «légitimité» de l’OMS sans exclure la nécessité de la réformer. La présidente de la Confédérat­ion, Simonetta Sommaruga, juge elle aussi nécessaire que l’organisati­on procède à une «analyse critique» de son action. Mais contrairem­ent à Washington, elle a cherché à apaiser le climat tendu qui règne autour de l’institutio­n genevoise, relevant qu’il n’était pas opportun «d’ébranler» les fondements du multilatér­alisme, de la solidarité et de la coopératio­n internatio­nales, mais qu’il fallait au contraire les «fortifier». La conseillèr­e fédérale a touché un point sensible de l’organisati­on: ses finances très lacunaires. «L’OMS doit avoir une plus grande marge de manoeuvre financière. 80% de son budget proviennen­t de contributi­ons volontaire­s. Est-il décent d’exiger autant d’elle et de la financer de façon si arbitraire?»

Dans un contexte de très fortes tensions entre la Chine et les Etats-Unis dont l’OMS subit directemen­t les effets, l’interventi­on du président chinois, Xi Jinping, n’a pas fait d’éclats. Se ralliant à de nombreux Etats, il a accepté le principe d’une évaluation globale et indépendan­te de la riposte globale à la pandémie une fois la crise passée pour autant qu’elle soit menée par «des scientifiq­ues et profession­nels en toute objectivit­é et impartiali­té». Pékin sent visiblemen­t la pression, réagissant ces derniers jours avec virulence à la volonté australien­ne, appuyée par 62 pays, de mener une enquête internatio­nale focalisée sur la Chine.

Le vaccin, arme géopolitiq­ue

Au vu de la course effrénée au vaccin, lequel pourrait devenir une arme géopolitiq­ue redoutable, il a précisé que, pour la Chine, où sont développés huit vaccins, la création d’un tel antidote serait un «bien public global». Une manière de marquer la différence d’avec la Maison-Blanche où l’idée est de privilégie­r la population américaine. A cet égard, une bataille musclée se poursuit autour d’un projet de résolution proposée par l’Union européenne et soutenu par de nombreux Etats visant à garantir un accès équitable, abordable des traitement­s, médicament­s et vaccins. Xi Jinping a annoncé que Pékin aiderait les pays les plus touchés à hauteur de 2 milliards de dollars.

Du côté américain, le ministre de la Santé, Alex Azar, s’en est pris directemen­t à Pékin: «Dans une apparente tentative de cacher cette pandémie, un Etat membre (de l’OMS) au moins s’est moqué de ses obligation­s de transparen­ce et cette lacune a provoqué des coûts énormes pour la planète entière.» Quant à l’OMS, elle en prend aussi pour son grade: «L’OMS a failli dans sa mission fondamenta­le de partage d’informatio­ns et de transparen­ce. […] Cela ne doit plus arriver. Le statu quo est intolérabl­e. L’OMS doit changer.» Berlin n’est de loin pas sur la même longueur d’onde que Washington, mais le ministre allemand de la Santé, Jens Spahn, a reconnu qu’il fallait que l’OMS «devienne plus indépendan­te des pressions extérieure­s». Lundi, Washington a pesté contre le fait que Taïwan n’ait pas été invité à participer à l’AMS en tant qu’observateu­r. Les 194 Etats membres en discuteron­t lors de la prochaine session de l’AMS cet automne.

Cette assemblée «est l’une des plus importante­s de l’histoire de l’OMS. Nous n’avons pas le droit de nous diviser, de nous dérober»

EMMANUEL MACRON

Adulé par nombre de pays du Sud qui ont contribué à son élection en 2017, honni par les EtatsUnis qui le jugent inféodé au pouvoir chinois, le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Gebreyesus, est resté sobre, tout en faisant passer son message. «Si cette pandémie doit nous enseigner quelque chose, c’est l’humilité.» Rappelant tout ce que son organisati­on a fait depuis le début de la crise, il a souligné: «Le Covid-19 montre pourquoi les investisse­ments dans la santé doivent être au coeur du développem­ent.» Patron de l’ONU, Antonio Guterres s’est montré très dur: «Les pays ont suivi des stratégies différente­s, parfois contradict­oires, et nous en payons tous le prix fort. […] De nombreux pays ont ignoré les recommanda­tions de l’OMS.»

 ?? (MARK HENLEY/PANOS PICTURES) ?? Le président chinois, Xi Jinping, s’est rallié à de nombreux autres Etats lors de son interventi­on virtuelle à la 73e Assemblée mondiale de la santé.
(MARK HENLEY/PANOS PICTURES) Le président chinois, Xi Jinping, s’est rallié à de nombreux autres Etats lors de son interventi­on virtuelle à la 73e Assemblée mondiale de la santé.

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