Entre élèves du public et du privé, petit examen des inégalités
Les maturités gymnasiales seront délivrées selon les notes obtenues par l’élève durant le premier semestre uniquement. Des épreuves des examens de maturité fédérale sont quant à elles maintenues
Les examens de maturité ont connu des soubresauts ces dernières semaines. Les enseignants, parents, mais surtout élèves, n’ont cessé de s’interroger sur leur sort. Le 20 avril, la conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) a décidé en assemblée plénière d’annuler les examens oraux. Elle a ensuite demandé au Conseil fédéral d’autoriser les cantons à ne pas organiser d’examens écrits. Un choix laissé alors à l’appréciation de chacun. Les cantons romands, dont Fribourg après hésitation, ont annoncé que les épreuves écrites n’auraient pas lieu.
«Une maturité au rabais»
Sans épreuve de fin d’année, les maturités gymnasiales seront délivrées selon les notes obtenues par l’élève durant le premier semestre uniquement, soit avant la sortie de classe due au nouveau coronavirus. En cas d’échec, des sessions de rattrapage seront organisées en juin. «Par souci d’équité, les mêmes dispositions s’appliquent pour les élèves qui sont dans une école privée qui délivre une maturité cantonale reconnue par la Confédération ou en voie de l’être, précise Pierre-Antoine Preti, porte-parole du Département genevois de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP). Pour le reste, les écoles privées s’organisent comme elles l’entendent, que ce soit en organisant des examens blancs ou en délivrant une certification.»
A Genève, c’est le cas de l’école privée Moser qui, «pour valoriser le travail fourni par ses élèves et enseignants pendant cette période de crise sanitaire», a décidé de maintenir des examens de fin d’année. «Ils porteront sur la partie enseignée pendant le confinement et donneront lieu à une certification, déclare son directeur, Alain Moser. L’élève aura donc son diplôme de maturité sur la base du premier semestre et ce document qui prouvera que, malgré cette année bizarre durant laquelle les cantons romands ont décidé de ne pas prendre en compte ce qui a été enseigné en ligne, cet élève n’a pas obtenu une maturité au rabais et a suivi avec succès l’ensemble du programme de l’année 2019-2020.»
Ces déclarations et dispositifs ne concernent que les maturités gymnasiales, dites cantonales, mais qu’en est-il des maturités suisses? Mercredi 13 mai, le Conseil fédéral a annoncé que les examens pour les maturités fédérales auront bien lieu au mois d’août. «En Suisse romande, environ 400 élèves passent cet examen, dont la majorité vient d’une école privée», pointe Baptiste Müller, secrétaire général de l’Association vaudoise des écoles privées. Mais le même système d’obtention du titre basé sur les résultats ne peut être appliqué.
«Pour les maturités cantonales, soit environ 95% des élèves en Suisse romande, les écoles reconnues doivent respecter des conditions minimales concernant les objectifs et contenus des études, leur durée et la formation des enseignants, souligne Alexandre Monnerat, du Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation. Les écoles privées qui préparent les jeunes à l’examen suisse de maturité – 5% des élèves – ne sont pas reconnues. Les notes provenant de ces établissements ne peuvent pas être prises en considération pour l’obtention du certificat. De plus, il y a des candidats autodidactes pour lesquels il n’y a pas de notes. L’individu prime sur l’école, c’est l’élève qui s’inscrit à cet examen.»
Les candidats pour la maturité gymnasiale ont reçu leur maturité sur la base d’une demi-année, sans examen, alors que les élèves des écoles privées qui se présentent
«La seule façon de s’assurer que ces élèves ont les bonnes compétences est de leur faire passer cet examen» LIONEL EPERON, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ENSEIGNEMENT POSTOBLIGATOIRE DU CANTON DE VAUD
à la maturité fédérale, eux, sont interrogés, et à l’écrit. Une situation qu’Alain Moser qualifie de «pas très équitable». «Pour les disciplines comprenant une épreuve écrite, les épreuves orales sont supprimées, ce qui équivaut à une réduction du programme, répond Alexandre Monnerat. Les jeunes peuvent ainsi se concentrer ces trois prochains mois sur les programmes des épreuves écrites.»
L’exception vaudoise
Chaque canton est libre d’ouvrir sa maturité cantonale aux écoles privées. Genève le fait, Vaud ne le fait pas. «Nous avons notre propre maturité, le «baccalauréat vaudois», et le droit vaudois ne prévoit pas que ce titre puisse être dispensé par les écoles privées», indique Lionel Eperon, directeur général de l’enseignement postobligatoire du canton. Cette année, à cause du Covid-19, les élèves qui ont eu les notes suffisantes pour entrer au gymnase en étant dans le public ne passeront pas l’examen d’admission prévu du 22 au 26 juin. Les élèves venant d’un établissement privé, soit 250 personnes en moyenne chaque année, si. «Nous ne faisons aucun contrôle sur l’enseignement qui y est dispensé donc la seule façon de s’assurer que ces élèves ont les bonnes compétences est de leur faire passer cet examen.»
Pour Baptiste Müller, les questionnements soulevés pendant cette période extraordinaire seraient l’occasion «de mettre en place un système de notation commun et de faire comme nos collègues genevois: réfléchir à un système où les écoles privées peuvent, sous contrôle, délivrer des notes reconnues et la maturité cantonale afin d’offrir une égalité de traitement entre le public et le privé».
▅