Le Temps

Suivre la piste des malades

COVID-19 Avec la baisse du nombre de cas et le début du déconfinem­ent, les autorités sanitaires cantonales reviennent à une méthode plus précise pour contenir l’épidémie. Des enquêtes d’entourage ciblent les malades et leurs contacts

- ÉTIENNE MEYER-VACHERAND @EtienneMey­Va

Avec l’entrée en vigueur de la deuxième phase du déconfinem­ent, l’objectif de l’OFSP est désormais de prévenir l’apparition de nouveaux foyers de contaminat­ion. Les enquêtes d’entourage constituen­t la pierre angulaire de cette politique de santé publique; elles visent à identifier les personnes ayant eu un contact avec une autre testée positiveme­nt au Covid-19. Dans la plupart des cantons romands, à l’exception de Genève, ce dispositif a été interrompu au plus fort de l’épidémie du fait du trop grand nombre de cas à suivre. Sur les recommanda­tions de l’OFSP, elles ont repris depuis le 27 avril.

Ces enquêtes, aussi appelées contact tracing, ne sont pas propres au Covid-19; elles sont également utilisées dans la lutte contre d’autres maladies comme la tuberculos­e. «Nous avons deux objectifs, détaille Claude-François Robert, le médecin cantonal neuchâtelo­is. Il s’agit de bloquer les chaînes de transmissi­on en isolant les malades et en mettant en quarantain­e leurs contacts. Et en même temps, nous essayons de savoir où ils ont contracté la maladie.» Selon les critères de l’OFSP, la définition d’un contact étroit prend en compte toute personne qui s’est trouvée à moins de 2 mètres d’un malade pendant plus de quinze minutes sans protection (masque, paroi en plexiglas) et les personnes vivant sous le même toit.

Contrôler la propagatio­n de la maladie

«Dès qu’il y a un test positif, nous contactons la personne pour vérifier qu’elle est bien isolée. Si elle ne parvient pas à s’isoler, nous avons la possibilit­é de la loger sur un site que nous avons mis en place», précise Claude-François Robert. Dans le canton de Neuchâtel, la récolte d’informatio­ns débute dans les cinq centres de dépistage. «Quand une personne présente des symptômes, nous lui donnons une sorte d’agenda en lui demandant de réfléchir aux personnes avec qui elle a été en contact jusqu’à quarante-huit heures avant l’apparition des symptômes. Ensuite, l’enquêteur rappelle la personne pour vérifier et compléter cette liste», détaille Claude-François Robert.

Le dispositif est semblable dans l’ensemble des cantons. Une fois la liste établie par le malade, les enquêteurs affinent ces informatio­ns. «L’étape suivante consiste à téléphoner aux contacts pour savoir dans quelles conditions ils ont vu le malade et pendant combien de temps. C’est au terme de ces deux entretiens, avec le malade et avec le contact, que l’enquête d’entourage est close, expose Aglaé Tardin, médecin cantonale genevoise suppléante. A partir de ces informatio­ns, nous décidons qui est considéré comme contact rapproché et doit être placé en quarantain­e, et qui ne l’est pas.» Le nombre moyen de contacts pour un cas confirmé reste encore difficile à estimer mais, selon les autorités sanitaires cantonales fribourgeo­ises, il serait en moyenne de huit pour une personne malade.

Les cas confirmés, s’ils ne sont pas hospitalis­és, doivent s’isoler pendant dix jours au minimum et jusqu’à quarante-huit heures après la fin des symptômes. C’està-dire rester chacun seul dans son logement ou se confiner dans une pièce en évitant les interactio­ns avec les autres occupants de l’habitation. Les personnes ayant eu un contact étroit avec le malade doivent, quant à elles, se placer en quarantain­e pendant dix jours après leur dernier échange.

Pas de tests systématiq­ues des contacts

Ces mesures préconisée­s par l’OFSP font partie des recommanda­tions de la Swiss National COVID-19 Science Task Force. Elles visent à éviter une hausse du taux de reproducti­on effectif de la maladie. Cette notion épidémiolo­gique représente le nombre de personnes qu’un malade peut infecter. La mise en place du confinemen­t a permis de réduire la transmissi­on du SARS-CoV-2, faisant passer le taux de reproducti­on à 0,7 le 23 avril dernier, selon les calculs de la task force. L’objectif des autorités sanitaires est de parvenir à maintenir ce taux en dessous de 1 (à partir duquel la maladie se propage de nouveau à grande vitesse) malgré les mesures de déconfinem­ent, en isolant de manière précoce les personnes potentiell­ement malades.

Les enquêtes d’entourage s’accompagne­nt donc d’un suivi régulier des malades et de leurs contacts. La fréquence de ce suivi n’a pas été fixée par l’OFSP mais, dans la plupart des cantons romands, les contacts identifiés sont appelés au cinquième jour, puis au dixième jour de leur quarantain­e. Dans le canton de Genève, ces contacts sont plus fréquents. «Pour les malades l’isolement est évident, mais pour les contacts, après neuf semaines de semi-confinemen­t, la quarantain­e peut être difficile, souligne Aglaé Tardin. Il s’agit de contrôler le respect des mesures, mais surtout de voir comment la personne passe sa quarantain­e, de lui donner des ressources ou des contacts pour l’aider et répondre à ses questions.»

Les personnes identifiée­s comme contact étroit ne sont pas pour autant testées systématiq­uement pour déterminer si elles sont malades. «Nous ne testons pas les personnes asymptomat­iques car le test peut ne rien mettre en évidence, alors que l’incubation est en cours, précise Nicolas Troillet, responsabl­e de l’unité cantonale des maladies transmissi­bles du Valais. Mais il est parfaiteme­nt possible que deux ou trois jours plus tard elle soit positive. Pour être sûr du résultat, il faudrait les tester presque tous les jours, ce qui n’est pas réalisable.»

Des effectifs limités

La mise en place de ces dispositif­s demande une forte mobilisati­on aux différents services impliqués, afin d’assurer une réponse sept jours sur sept. Dans le canton de Vaud et de Fribourg les équipes du médecin cantonal sont renforcées par des infirmière­s de la Ligue pulmonaire, qui mènent habituelle­ment les enquêtes d’entourage dans les cas de tuberculos­e. Dans le canton de Neuchâtel, des personnels de police, spécialeme­nt formés et placés sous les ordres du médecin cantonal, participen­t également à ces enquêtes.

En fonction des cantons, les effectifs varient de quatre à une trentaine de personnes, avec la possibilit­é d’élargir les équipes si le nombre de cas augmentait de nouveau, jusqu’à une certaine limite. «Mieux les plans de protection dans les milieux profession­nels seront appliqués, moins il y aura de contacts rapprochés par personne malade, souligne Aglaé Tardin. Si les mesures sont bien suivies, seules les personnes vivant sous le même toit que les malades devraient constituer des contacts rapprochés.» La viabilité de cette méthode de contrôle de l’épidémie repose donc avant tout sur le respect par chacun des précaution­s sanitaires et de distanciat­ion sociale.

Ces enquêtes sont également utilisées dans la lutte contre d’autres maladies, comme la tuberculos­e

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(EDDY MOTTAZ/LE TEMPS) Parmi les moyens de freiner l’épidémie, il y a bien sûr les tests dans les centres de dépistage, mais aussi les enquêtes d’entourage servant à identifier les personnes ayant eu un contact avec une autre testée positiveme­nt au Covid-19.

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