Mettre l’Amalgame en musique, ou le programme de Mathias Kerninon
Le mélomane a pris les rênes de la programmation de la salle yverdonnoise le 1er avril dernier. Une nomination officialisée malgré la fermeture temporaire du lieu
«C’est drôle, un collègue d’un autre club me disait, non sans humour, que je devenais le premier non-programmateur de l’histoire.» Depuis le 1er avril dernier, Mathias Kerninon est à la tête de la programmation de L’Amalgame et plaisante sur sa situation actuelle. Une passation de poste étrange pour le Vaudois d’adoption qui, toutefois, relativise. «L’ironie du sort est que cela me permet de me pencher plus attentivement sur la future rentrée et de prendre vraiment le temps de soigner la programmation.» Il a été nommé par l’association G.A.M.E pour succéder à Grégoire Potin, programmateur de la salle de concert pendant trois ans.
«Ça me titillait depuis longtemps»
Le Picard d’origine a toujours eu un attrait marqué pour le monde de la musique. Il commence le piano enfant, puis se redirige vers la batterie à l’adolescence tout en trifouillant des synthétiseurs bas de gamme, «par esprit de rébellion, sans doute». Nirvana, Pixies et Metallica sont ses premiers contacts avec le «gros rock» dans les années 1990, après avoir écumé les groupes français comme Noir Désir ou Mano Negra. Déjà éclectique, il écoute en parallèle la musique électronique de Laurent Garnier, découvre la house et s’éclate sur le gangsta rap de Dr Dre et du Wu-Tang Clan.
Après une formation en communication, le jeune homme devient vendeur de disques dans le nord de la France. «Ça m’a permis de développer encore plus ma culture musicale. J’étais déjà mélomane mais j’ai pu m’ouvrir à d’autres styles et assouvir ma soif de découvertes.» Mathias Kerninon se rapproche ensuite de la frontière suisse en exerçant son travail de disquaire à Annecy. «C’est là que j’ai connu une partie de la scène culturelle suisse, à L’Usine ou au Romandie, par exemple.»
Il pose finalement ses valises à Yverdon-les-Bains, où il se lance dans la restauration. Il commence à fréquenter alors assidûment L’Amalgame et participera à la mise en place de trois soirées de concerts «plutôt bruyants». Après une remise à jour de ses acquis via une formation réalisée au SAWI, l’école de marketing et de communication lausannoise, en 2013, il rejoint l’univers qui le passionne en reprenant le poste de responsable communication du Romandie en 2014, mais aussi du festival Nox Orae depuis 2016 ou de Label Suisse en 2018.
Suite à la publication de l’annonce de l’association G.A.M.E, il décide de postuler comme programmateur à L’Amalgame. «C’est un travail qui me titille depuis longtemps: négocier les contrats, collaborer avec les agences de réservation et surtout faire un travail de défricheur. J’ai saisi une occasion qui me paraissait trop belle.»
Lorsqu’il commence à travailler pour le Romandie, Mathias se retrouve plongé dans la musique francophone et romande. Une connaissance essentielle pour la salle d’Yverdon, où la scène locale joue un rôle important dans la programmation. L’Amalgame propose depuis son ouverture en 1994 des concerts et des soirées avec DJ, avec un accent sur les découvertes et les lives. A l’heure actuelle, tous les événements sont annulés jusqu’à nouvel ordre. L’équipe souhaite repousser un maximum de dates. C’est déjà le cas avec la venue très attendue de Brigitte Fontaine et du groupe helvétique Tout Bleu, qui devait avoir lieu le 2 avril dernier.
L’événement a pu être repoussé et se déroulera le 17 septembre.
Dynamique locale
Outre la situation actuelle, programmer une salle comme L’Amalgame pose plusieurs défis. «Remplir un lieu qui peut accueillir 400 personnes à Yverdon est un vrai challenge. Les groupes préfèrent souvent être programmés dans des plus grandes villes, comme Lausanne ou Genève, et il faut savoir avancer les bons arguments pour les faire jouer ici.» Malgré la forte concurrence, le tout jeune programmateur souligne l’importance de ces salles situées hors des sentiers battus. «Quand on voit le travail de lieux comme le Bad Bonn à Guin, on ne peut être qu’impressionné: les groupes programmés sont juste hallucinants! L’objectif est aussi de créer et d’entretenir une dynamique entre les différentes salles.»
Le club yverdonnois propose ainsi des événements en partenariat avec d’autres institutions culturelles de la ville, comme Le Castrum ou le théâtre de L’Echandole, et privilégie un esprit de collaboration avec les autres salles romandes. «Avec la pandémie, il y a une vraie solidarité qui s’est créée. On est tous dans le même bateau, donc si on peut s’entraider en mettant en place des échanges via les réseaux ou en se partageant les informations, on le fait.»
Toute l’équipe est en télétravail et espère pouvoir rebrancher la sono dès la rentrée prochaine. Les enjeux financiers amènent aussi une difficulté supplémentaire au nouveau programmateur, qui dit pour l’instant beaucoup naviguer à vue, dans l’attente des semaines à venir.
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«C’est un travail qui me titille depuis longtemps: négocier les contrats, collaborer avec les agences de réservation et surtout jouer les défricheurs»