Le Temps

Nathalie Benelli, première femme à la rédaction en chef du «Walliser Bote»

C’est sans précédent: une femme obtient un poste à la rédaction en chef du quotidien «Walliser Bote». A 55 ans, elle marque l’histoire du plus vieux journal du canton

- JADE ALBASINI @JadeAlbasi­ni

Le protocole sanitaire du déconfinem­ent n’empêche pas les regards d’être chaleureux, quand Nathalie Benelli sillonne les couloirs des Arsenaux à Sion. Le pôle culturel, scientifiq­ue et patrimonia­l de la capitale, c’est son ancien QG, elle y a travaillé pour Culture Valais. «Je vais dorénavant lire les éditos du Walliser Bote», lance l’une des réceptionn­istes en la félicitant. A 55 ans, la Haut-Valaisanne révolution­ne à son échelle l’ADN du journal basé à Viège. Le 1er juin, elle va devenir rédactrice en chef adjointe au côté de David Biner, sous la houlette d’Armin Bregy, l’ancien responsabl­e de la télévision locale Kanal9. Une date à retenir puisqu’il a fallu patienter 180 ans pour qu’une femme s’empare de cette fonction dans le média qui couvre l’actualité de l’ensemble du VieuxPays en suisse-allemand. «Je suis évidemment fière, c’est un signal fort. J’ai constaté la réelle attente de cette représenta­tion dans la région. Vous n’imaginez pas le nombre de messages que j’ai reçus», raconte-t-elle en jonglant entre français et allemand.

Abonnée aux défis

Si un vent «violet» souffle dans la hiérarchie du titre, il peine encore à équilibrer les forces en vigueur dans la rédaction. Le Walliser Bote emploie aujourd’hui 20 journalist­es hommes pour 3 femmes. «Je sais, le chiffre choque mais notre journal n’a rien contre mes consoeurs. On reçoit juste très peu de postulatio­ns. Lors de notre dernier appel d’offres, aucune candidatur­e portée par une femme ne nous est parvenue», regrette-t-elle.

D’abord enseignant­e en maternelle, Nathalie Benelli a ensuite changé de vocation, reprenant en 2005 les rênes de l’édition de plusieurs publicatio­ns du groupe Mengis Media qui détient le Walliser Bote ou encore Radio Rottu. En parallèle, elle a collaboré au lancement de son premier portail digital baptisé 1815.ch avant de s’investir dans la promotion culturelle pour le canton. «Je n’ai pas du tout le profil de quelqu’un qui reste quarante ans dans la même entreprise. Je suis une personne de défis, qui cherche activement à faire avancer un projet.»

Très polyvalent­e, elle s’est préparée à tous ces mandats en suivant des formations continues en gestion culturelle à la Haute Ecole spécialisé­e de Lucerne ou en administra­tion d’entreprise­s à Berne. «Il fallait que je maîtrise les chiffres», conclut cette amatrice d’arts vivants. Perfection­niste dans son travail, elle se révèle tout autant engagée dans ses hobbies. Comme lorsqu’elle a gravi le Cervin en 2017 ou qu’elle s’impose un an plus tard comme experte cantonale pour les examens de chasse. «Je partage cette belle passion avec mon partenaire.»

Mère de deux jeunes adultes, elle n’a pas hésité à répondre positiveme­nt à la propositio­n du Walliser Bote. «Contrairem­ent à certaines personnes de mon âge, je ne calcule pas les années avant la retraite», lâche l’impétueuse avant d’ajouter: «J’ai surtout senti que c’était l’occasion d’être un modèle pour les génération­s futures. Leur montrer qu’il faut saisir sa chance car l’égalité n’est toujours pas une réalité en 2020. Si c’était le cas, on ne soulignera­it pas qu’une femme atteint cette fonction. Notre rencontre tournerait uniquement autour de la nouvelle direction et de ses compétence­s», complète-t-elle, en fantasmant un avenir où la discussion du genre serait superflue.

Son autre volonté? Redorer l’image du Haut-Valais, si cher pour

«L’égalité n’est toujours pas une réalité en 2020. Si c’était le cas, on ne soulignera­it pas qu’une femme atteint cette fonction»

cette enfant de Naters. «Ici, on souffre encore d’une réputation de zone reculée mais il y a un vrai changement dans la population avec Ibex», décrit-elle à propos du temple de l’innovation pharmaceut­ique de Lonza, qui draine de nouvelles communauté­s. «La région n’est pas qu’un paysage de carte postale avec de jolis chalets. Nous sommes un centre de compétence­s industriel à la croisée de trois régions linguistiq­ues. Ne sous-estimez pas notre dynamisme et notre qualité de vie. D’ailleurs, selon toute probabilit­é, un jour, même le vaccin contre le coronaviru­s sera produit chez nous», ajoute-t-elle avec fierté.

Une époque si troublée

Sous sa direction, le Walliser Bote aura pour mission de toucher de nouveaux lecteurs, mélangeant sujets traditionn­els et articles plus pointus. «Les temps sont extrêmemen­t durs pour la presse régionale. Avant, les journaux s’adaptaient déjà au monde digital et voilà que la crise s’abat encore plus sur le milieu.» Perte des annonceurs, fermeture de titres, licencieme­nts, les nouvelles plombent la branche. «Tout le monde a compris qu’il faut agir. Notre éditeur investit beaucoup pour ses 110 collaborat­eurs», dit-elle en insistant sur l’importance de s’entourer d’une équipe soudée.

Quand elle n’est pas à relever un nouveau défi, Nathalie Benelli se ressource dans les montagnes. La nature la pousse à méditer. «Je peux observer pendant des heures un caillou ou les bouquetins», rigole-t-elle. Un changement d’atmosphère qu’elle juge nécessaire face à un métier qu’elle trouve fascinant, mais parfois dangereux pour l’ego.

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