Le Temps

Le sombre avenir du Salon de l’auto

Le conseil de fondation refuse que l’organisati­on passe en mains de Palexpo, ce qui constitue l’une des conditions pour l’obtention du crédit. L’avenir de la manifestat­ion semble plus que jamais menacé

- RACHEL RICHTERICH @RRichteric­h

Les organisate­urs du Salon de l’auto ont refusé un prêt pourtant providenti­el de la part du canton de Genève en vue de l’édition 2021

Ces 16,8 millions de francs auraient contribué au sauvetage de la manifestat­ion, premier gros événement annulé ce printemps pour cause de pandémie

Les autorités genevoises ont été trop gourmandes dans les conditions pour l’octroi de cette aide en imposant que Palexpo devienne l’organisate­ur unique

La somme devait permettre d’indemniser les constructe­urs, irrités par l’annulation in extremis. Avec ce refus, l’avenir de la manifestat­ion est compromis

La réponse est non. Balayée, l’offre à 16,8 millions de francs du canton de Genève pour sauver le Salon de l’automobile (GIMS): les organisate­urs de la manifestat­ion, menacée de disparitio­n depuis son annulation de dernière minute fin février en raison de la crise sanitaire, n’en veulent pas. Ils refusent que Palexpo prenne le contrôle de l’événement, peut-on lire dans un communiqué diffusé mardi après-midi par la fondation du GIMS. «Cela implique un changement de gouvernanc­e que nous ne pouvions accepter», précise au Temps le directeur du GIMS, Sandro Mesquita, entré en fonction au début du mois.

C’était l’une des conditions imposées par le canton pour l’octroi de ce prêt à taux bas (environ 1,6%) remboursab­le sur plus de quinze ans: la conceptual­isation du salon devait être sous-traitée au centre de congrès, selon des modalités approuvées par l’Etat, peut-on lire dans le projet de loi, transmis le 12 mai. La fondation du GIMS aurait conservé la compétence de validation du concept et du budget.

Avec cette clause, le canton comptait étendre le concept de la manifestat­ion à la mobilité au sens large, plus en phase avec les problémati­ques environnem­entales. «Nous ne sommes pas opposés à cette idée, sur le fond. Cette édition 2020 devait d’ailleurs marquer un pas en ce sens avec l’inaugurati­on d’un circuit d’essai pour des motorisati­ons électrique­s», relève Sandro Mesquita.

Pas de garantie pour 2021

La forme en revanche est jugée «contraire aux statuts» et cette réorganisa­tion constituai­t en outre une forme de désaveu pour ses organisate­urs, notamment les importateu­rs, dont les voix pèsent au conseil de fondation.

«Au fil de nos échanges, nous étions parvenus à aplanir cette problémati­que de la sous-traitance, en précisant que la conceptual­isation du salon serait faite d’un commun accord entre Palexpo et le GIMS. Nous avons mis 17 millions sur la table, la moindre des choses était d’avoir un droit de regard», réagit le conseiller d’Etat Pierre Maudet, initiateur du projet de loi, chargé du Départemen­t du développem­ent économique (DDE). Il dit «regretter cette décision unilatéral­e».

L’autre point de discorde était le conditionn­ement du prêt à la tenue d’une édition en 2021. «Frappés de plein fouet par la crise économique actuelle, les constructe­urs ne peuvent prendre le risque d’un deuxième échec», ajoute Sandro Mesquita, qui précise se laisser «jusqu’au 30 juin pour prendre une décision définitive».

«Impossible dans ces conditions d’invoquer une clause d’urgence», tance Pierre Maudet, pour qui «ces hésitation­s sont la preuve que nous avions raison de demander des garanties». Et de rappeler au passage que «l’enjeu, c’était de préserver l’emploi».

De fait, le prêt est abandonné et l’avenir de la manifestat­ion semble plus que jamais compromis. Les pertes liées à la suppressio­n du GIMS 2020 sont estimées à 11 millions de francs. Les millions de l’Etat devaient permettre d’indemniser les constructe­urs automobile­s, irrités par les circonstan­ces de l’annulation, à moins d’une semaine de l’ouverture alors que le montage des stands touchait à sa fin.

A court de liquidités et sans le soutien du canton, quel est le plan B? «Nous explorons d’autres voies de financemen­t: celle plus traditionn­elle passant par les institutio­ns financière­s, ainsi que celle du partenaria­t, avec des privés, des entreprise­s du secteur automobile», ajoute le patron du GIMS. La fondation envisage en outre de vendre ses actions dans Palexpo.

De la pérennité de la manifestat­ion dépend la santé de Palexpo, qui en tire près d’un tiers de ses revenus – ils totalisaie­nt 94 millions en 2018 et les chiffres de 2019 seront connus le mois prochain. L’infrastruc­ture est jugée cruciale pour l’économie du canton, représenta­nt près de 600 millions de francs de retombées.

Les millions de l’Etat devaient permettre d’indemniser les constructe­urs, irrités par les circonstan­ces de l’annulation de l’édition 2020, à moins d’une semaine de l’ouverture

 ?? (SALVATORE DI NOLFI/KEYSTONE) ?? La pandémie de Covid-19 a eu raison de la 90e édition du Salon internatio­nal de l’automobile de Genève, qui devait se tenir du 5 au 15 mars 2020. Les pertes liées sont estimées à 11 millions de francs.
(SALVATORE DI NOLFI/KEYSTONE) La pandémie de Covid-19 a eu raison de la 90e édition du Salon internatio­nal de l’automobile de Genève, qui devait se tenir du 5 au 15 mars 2020. Les pertes liées sont estimées à 11 millions de francs.

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