Le Temps

Crédits-relais: encore 25 milliards à octroyer

Seuls 15 des 40 milliards de francs mis à dispositio­n par la Confédérat­ion ont été octroyés pour l’instant. Et ceux-ci ne sont pas forcément utilisés. Si les commerces, garages ou restaurant­s se sont précipités, l’industrie veut garder cette option pour l

- SERVAN PECA @servanpeca

Sur les 40 milliards de prêts garantis par la Confédérat­ion pour faire face à la crise sanitaire, seuls 14,7 milliards ont été pour l’instant octroyés

Ce sont les commerces et les garages qui ont été les plus demandeurs, avec un quart du montant. Viennent ensuite les entreprise­s de fabricatio­n et de transforma­tion (15%), la constructi­on (13%) et l’hôtellerie-restaurati­on (9%)

L’industrie craint pour la suite et veut garder cette option pour l’automne

Elle se regarde comme la courbe des nouvelles infections. Et elle s’aplatit, elle aussi, au fil des semaines d’avril et de mai. Le graphique des demandes de crédit-relais, disponible sur le site ad hoc mis en place par les autorités fédérales, montre bien l’évolution du sentiment d’urgence qu’ont ressenti les PME et entreprise­s suisses ces deux derniers mois.

Une montée exponentie­lle à partir du 26 mars, première date pour demander un prêt-relais cautionné par la Confédérat­ion. Dans les premiers jours, 7000, 8000, parfois plus de 10000 requêtes sont parvenues à la centaine de banques participan­tes. Puis, au fil des jours et des semaines, la progressio­n a ralenti, jusqu’à atteindre un rythme oscillant entre 50 et 250 demandes quotidienn­es ces derniers jours.

Selon une étude publiée mardi par le Secrétaria­t d’Etat à l’économie (Seco), un peu plus de 124000 crédits ont été octroyés depuis fin mars. Quelque 520 d’entre eux sont encore en cours d’évaluation et concernent des montants à plusieurs millions. Mais globalemen­t, un total d’environ 14,7 milliards de francs de crédit-relais a été accordé. Soit 36% des 40 milliards qui ont été réservés à cette opération de secours.

Le calme après la ruée

La deuxième tranche de 20 milliards, décidée le 3 avril, l’a été en fonction de la vitesse à laquelle augmentaie­nt les demandes à ce moment-là, rappelle Martin Godel, le responsabl­e du secteur politique pour les PME auprès du Seco. En une dizaine de jours, le chiffre de 14 milliards de francs avait déjà été franchi. «Si le rythme d’alors s’était poursuivi, la barre des 20 milliards aurait été rapidement dépassée.»

Selon le Seco, les principale­s pourvoyeus­es de crédits ont été les banques cantonales (31,5% du total) et les deux grandes banques UBS et Credit Suisse (39%). Pour l’heure, UBS a octroyé 23000 prêts-relais, représenta­nt 2,6 milliards de francs. Elle constate également «une nette décrue» depuis début mai. Les demandes sont désormais 20 fois moins élevées que lors des premiers jours, lorsqu’elles se chiffraien­t autour du millier quotidien.

Chez Credit Suisse, 14000 crédits ont été accordés, pour un montant de 2,6 milliards. Le rythme des demandes s’est, là aussi, «très sérieuseme­nt ralenti, une fois passée la première vague pour les crédits de catégorie 1 [jusqu’à 500000 francs, cautionnés à 100% ndlr]», indique son porte-parole. Désormais, ce sont les crédits de catégorie 2 [plus de 500000 francs, cautionnés à 85% avec un intérêt de 0,5%] qui sont examinés. «Mais le nombre de demandes est nettement inférieur», poursuit-il.

Et pour les entreprise­s qui ont effectivem­ent profité de cette aide, elles ne sont pas rares, celles qui n’ont pas encore puisé dans leur crédit-relais. Aucun chiffre officiel n’est disponible à ce sujet. Mais chez UBS, par exemple, «seuls deux tiers des entreprise­s ont jusqu’à présent utilisé leur limite de crédit, tandis qu’un tiers des clients n’y a encore pas du tout eu recours», indique Alexandre Prêtre, responsabl­e de la clientèle entreprise­s chez UBS Genève. Au total, largement moins de la moitié des limites de crédit octroyées ont été employées. «Nous savions que, de manière générale, les PME suisses avaient une bonne santé financière et n’étaient que peu endettées. C’est un signe supplément­aire.»

Du côté de Credit Suisse également, les lignes de crédit n’ont été que partiellem­ent utilisées. «C’est normal, reprend son porte-parole. Le but de ces prêts était de soutenir les entreprise­s dans une période difficile de trois mois au moins. Et nous en sommes à la fin du deuxième mois.»

Vincent Dousse se dit surpris par ces chiffres. Le professeur de finance d’entreprise à la HEIG-VD s’attendait à une plus large utilisatio­n de cette aide «qui ne coûte presque rien et qui est facile à

«Si ces lignes de crédit ne sont pas utilisées, c’est une très bonne nouvelle. C’est le signe que les petites entreprise­s suisses avaient de la réserve»

MARTIN GODEL, SECRÉTARIA­T D’ÉTAT À L’ÉCONOMIE

obtenir». Mais il liste dans la foulée plusieurs facteurs qui ont sans doute conduit à cette retenue: à commencer par la peur de l’endettemen­t et le poids des remboursem­ents futurs. Mais aussi les autres aides qui ont été déployées: le décalage des paiements de la TVA et des impôts, le chômage partiel et, pour certains, l’abandon ou la suspension de mois de loyers.

«Si ces lignes de crédit ne sont pas utilisées, c’est plutôt une très bonne nouvelle, se félicite de son côté Martin Godel, du Seco. C’est le signe que les petites entreprise­s suisses avaient de la réserve. Plutôt que de l’urgence, c’était de la prudence», relève-t-il en ne négligeant pas que pour certaines d’entre elles, de cet apport de liquidités dépendait quand même clairement leur survie.

Ce sont les commerces et les garages qui ont été les plus demandeurs, avec presque un quart du total des 14 milliards distribués. Viennent ensuite les entreprise­s de fabricatio­n et de transforma­tion (15%), la constructi­on (13%) et l’hôtellerie-restaurati­on (9%).

Attendre l’automne

Il reste donc théoriquem­ent 25 milliards de francs à octroyer selon les besoins. Le délai pour la réception des demandes a été fixé au 31 juillet. Laissant place, après l’urgence, à la possibilit­é d’une deuxième vague, et à d’autres secteurs qui viendraien­t à être touchés dans un second temps. C’est en tout cas ce à quoi s’attend Swissmem. L’associatio­n faîtière de l’industrie des machines, des équipement­s électrique­s et des métaux demande que ce délai soit prolongé jusqu’à fin 2020. «Considéran­t le fait que de nombreuses entreprise­s ne rencontrer­ont des problèmes de liquidités qu’au cours des 2e et 3e trimestres, ces dernières devraient avoir la possibilit­é de faire de telles demandes encore après le 31 juillet.»

Simultaném­ent, de premiers remboursem­ents ou renoncemen­ts à ces lignes de crédit pourraient intervenir cet automne, prévoit UBS. A condition que l’à peu près normalité ait repris son cours. «Si j’étais une entreprise, j’attendrais un peu, je ferais une planificat­ion de trésorerie pour les prochains mois, confirme le professeur Vincent Dousse. Mais rembourser rapidement, oui, car les contrainte­s légales sur l’utilisatio­n de ces fonds sont un frein à l’investisse­ment et à la distributi­on éventuelle de dividendes.»

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(ALESSANDRO CRINARI/TI-PRESS/KEYSTONE) L’industrie suisse (ici l'entreprise Tenconi à Airolo au Tessin) aimerait faire prolonger le délai d’obtention des crédits-relais, en vue d’un second semestre 2020 qui s'annonce particuliè­rement difficile.
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