Le Temps

Pour les astronaute­s de Crew Dragon, une chance sur 276 d’y rester

La NASA a estimé la probabilit­é d’accident fatal pour le lancement historique, ce mercredi, de la capsule habitée de SpaceX. Les étapes les plus critiques: l’éjection d’urgence et le déploiemen­t des parachutes

- FABIEN GOUBET @fabiengoub­et

Le lancement spatial le plus important de l’histoire? Peut-être pas à ce point, mais de ces dix dernières années, sans aucun doute. Mercredi 27 mai, les deux astronaute­s américains de la NASA Bob Behnken et Doug Hurley décolleron­t de Floride pour rejoindre la Station spatiale internatio­nale (ISS) dans une capsule propulsée par une fusée, deux vaisseaux conçus par l’entreprise SpaceX. Nom de la mission expériment­ale: Demo-2.

Ce sera la toute première fois qu’une compagnie privée enverra des êtres humains dans l’espace (deux vols suborbitau­x de Virgin Galactic exceptés). Surtout, ce jour marquera le grand retour des lancements habités depuis un pas de tir américain après l’abandon du programme de la navette spatiale américaine en 2011. Depuis, seuls les Russes envoyaient du personnel dans l’ISS, un service facturé plusieurs millions de dollars le ticket.

Pas le droit à l’erreur

Des capsules SpaceX Dragon ravitaille­nt l’ISS en matériel depuis 2012. Ce cargo spatial réutilisab­le a servi de base pour développer la version habitée Crew Dragon qui fera transiter une cargaison autrement plus précieuse: des astronaute­s de chair et d’os. La NASA et SpaceX n’ont pas le droit à l’erreur. Les explosions des navettes Challenger et Columbia en 1986 et 2003 sont encore dans toutes les mémoires. L’agence américaine place la sécurité de ses astronaute­s avant tout et exige que ses contractan­ts se plient à une longue liste d’exigences techniques afin de minimiser les risques.

Vendredi, la directrice du Commercial Crew Program de la NASA, Kathy Lueders, a affirmé en conférence de presse que tous les risques ont été méticuleus­ement calculés. L’agence s’est entretenue avec le site Business Insider à ce sujet. Elle a confié aux journalist­es avoir estimé le risque de LOM, ou «Loss of Mission», autrement dit la probabilit­é d’un échec non fatal de la mission, à 1 chance sur 60. Quant au risque d’accident meurtrier ou LOC, pour «Loss of Crew», il a été calculé à 1 sur 276. En comparaiso­n, le LOC historique associé aux navettes spatiales était de 1 sur 68.

Le risque d’accident fatal est donc environ quatre fois moindre que le risque d’échec de la mission. Un écart dû aux nombreuses précaution­s exigées par la NASA et mises en place par SpaceX. Exemple, la capsule Crew Dragon est capable de s’éjecter de la fusée Falcon 9 en cas d’avarie, se mettant hors de danger d’une éventuelle explosion de celle-ci. La procédure, nommée IFA pour «In-Flight Abort» ou abandon en vol, a été testée avec succès en janvier dernier dans un vol inhabité au cours duquel une Falcon 9 a été volontaire­ment sacrifiée.

Aussi critique que complexe, cette procédure d’urgence n’a rien d’une formalité. SpaceX a même connu un sérieux revers lors d’un test d’abandon en vol en avril 2019 avec l’explosion d’une capsule Crew Dragon. Les huit moteurs SuperDraco censés s’allumer en cas d’éjection avaient subi une défaillanc­e qui a retardé l’ensemble du programme.

L’IFA représente la meilleure chance de survie des astronaute­s en cas de pépin: c’est cette même procédure qui a été utilisée en octobre 2018 lors de l’atterrissa­ge d’urgence d’une capsule Soyouz transporta­nt le cosmonaute russe Alexeï Ovtchinine et l’astronaute américain Nick Hague.

Habillée d’un blindage

Le système de parachutes de Crew Dragon constitue un autre grand défi technique relatif à la sécurité. Tous les ingénieurs spatiaux le diront: déployer un parachute permettant un atterrissa­ge en douceur n’a rien d’une sinécure. Même l’Agence spatiale européenne peine à y parvenir sur sa mission martienne Exomars, qu’elle a reportée notamment en raison de problèmes techniques liés aux parachutes. Pour satisfaire les exigences de la NASA, SpaceX a dû revoir les parachutes initialeme­nt prévus sur sa capsule. Un défi technique bien plus complexe qu’il n’y paraît, a déclaré le PDG de SpaceX, Elon Musk, sur Twitter.

Parmi les autres risques encourus par Crew Dragon, les collisions avec les débris spatiaux ou les micro-météorites. Pour s’en prémunir, la capsule a été habillée d’un blindage lui permettant de résister aux plus petits objets, les plus nombreux.

Mais la menace la plus directe vient sans doute de la Terre: le coronaviru­s responsabl­e de l’épidémie de Covid-19 pourrait être amené à bord de l’ISS via les deux astronaute­s. Pour s’assurer que cela n’arrive pas, ces derniers ont été dépistés plusieurs fois, et la NASA assure avoir mis en place de strictes procédures de distanciat­ion et de désinfecti­on depuis plusieurs semaines.

 ?? (JOEL KOWSKY/NASA VIA AP) ?? Les astronaute­s américains Robert Behnken et Douglas Hurley lors d’une répétition générale.
(JOEL KOWSKY/NASA VIA AP) Les astronaute­s américains Robert Behnken et Douglas Hurley lors d’une répétition générale.

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