Le Temps

L’Etat français, ce pompier automobile

Huit milliards d’euros sont mis sur la table par Paris pour tenir à bout de bras le secteur automobile français. La facture publique est lourde. Et sans garantie de résultats

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Il fallait agir et Emmanuel Macron vient de le faire mardi. Pour soutenir un secteur automobile frappé de plein fouet par l'épidémie de Covid-19, le président français a de nouveau mis la main au portefeuil­le, comme il l'avait fait au début du mois pour Air France. La compagnie aérienne avait obtenu 7 milliards d'euros (7,42 milliards de francs) de prêts garantis. Montant légèrement supérieur pour les constructe­urs automobile­s, qui bénéficier­ont d'un appui financier public à hauteur de 8 milliards, dont un prêt de 5 milliards pour Renault.

L'enjeu est évidemment social. Pas moins de 400000 emplois directs et 900000 emplois indirects sont en jeu, alors que les commandes de voitures sont aujourd'hui presque inexistant­es (90% de chute en avril) et que les sous-traitants du secteur sont à l'agonie. Plutôt que d'apparaître dans une usine des groupes Renault ou PSA (Peugeot Citroën), le chef de l'Etat a d'ailleurs choisi, hier, de s'exprimer sur un site de l'équipement­ier automobile Valeo, dans le nord de la France. Avec un objectif: s'assurer que cette injection d'argent public servira aussi la transition écologique.

Ambition dans les véhicules propres

Il s'agit de «faire de la France la première nation productric­e de véhicules propres en Europe, en portant à plus d'un million par an sous cinq ans la production de véhicules électrique­s, hybrides rechargeab­les ou hybrides» dans le pays, a expliqué Emmanuel Macron, dont l'annonce la plus symbolique est la mise en place immédiate d'un bonus écologique augmenté à 7000 euros pour l'achat d'un véhicule électrique par les particulie­rs et à 5000 euros pour les entreprise­s, ainsi que la création d'un bonus de 2000 euros pour les hybrides rechargeab­les.

Du côté politique, cette béquille financière sera assortie de conditions. L'Etat, actionnair­e de Renault à hauteur de 15% du capital (et 22% des droits de vote) et actionnair­e de PSA à hauteur de

«Il s’agit d’un plan de défense de notre emploi […] qui a vocation à relocalise­r de la valeur ajoutée»

EMMANUEL MACRON, PRÉSIDENT FRANÇAIS

13,6%, dispose au sein des deux constructe­urs d'un levier de décision qu'il compte utiliser pour défendre notamment le maintien des sites de production dans l'Hexagone, même si cette demande n'a pas été officielle­ment formulée. Seul le mot «souveraine­té industriel­le» l'a été: «Il s'agit d'un plan de défense de notre emploi […] qui a vocation à relocalise­r de la valeur ajoutée», a insisté le président français. Une partie de ces 8 milliards d'aides directes – auxquels pourrait bientôt s'ajouter un prêt de 5 milliards garanti pour Renault – devrait être financée par le plan de relance de 500 milliards d'euros à base d'emprunts européens, présenté la semaine dernière par Paris et Berlin.

Renault rejoint le projet européen de batteries

Le premier constructe­ur automobile français, dont l'alliance avec Nissan bat de l'aile depuis le départ forcé de son ancien patron

Carlos Ghosn en 2019, doit annoncer vendredi un plan drastique d'économies.

Preuve de la pression publique: Renault et PSA collaborer­ont désormais pour le programme européen de batteries électrique­s poussé par le ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire. Le secteur des batteries, jugé stratégiqu­e, est l'un des domaines industriel­s privilégié­s par la Commission européenne, qui doit annoncer mercredi ses propositio­ns pour la relance de l'économie des Vingt-Sept. Environ 3,2 milliards d'euros d'aides diverses, dans le cadre du programme communauta­ire de recherche Horizon 2020, ont déjà été mobilisés pour financer cette «European Battery Alliance 2030» lancée en mars 2019.

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