Le Temps

Echec cuisant de l’«hélicoptèr­e monétaire» aux Etats-Unis

Les chèques envoyés aux ménages américains n’ont été dépensés que pour un tiers des montants, selon une enquête. Certains bénéficiai­res ont même employé l’argent pour spéculer en bourse

- EMMANUEL GARESSUS, ZURICH @garessus

L'hélicoptèr­e a décollé, mais plutôt dans la mauvaise direction. L'envoi de chèques directemen­t du gouverneme­nt américain aux ménages, appelé hélicoptèr­e monétaire, avait pour ambition de fournir une aide simple et rapide à la population ainsi que de soutenir l'économie réelle. Le terme d'hélicoptèr­e, repris par les médias, est ici employé de façon incorrecte. En théorie, cet instrument prévoit que la banque centrale, et non le gouverneme­nt, distribue l'argent directemen­t à la population pour relancer l'économie réelle.

Selon le programme mis en oeuvre en avril, les adultes célibatair­es gagnant moins de 99000 dollars par an ont reçu jusqu'à 1200 dollars (et 500 dollars supplément­aires par enfant). Le coût total atteint environ 250 milliards de dollars.

Selon une enquête de la société financière Envestnet Yodlee, les deux tiers de l'argent ont été épargnés et un tiers a été dépensé. «Un mois plus tard, il faut admettre que le bilan n'est pas celui que l'on imaginait. L'effet à court terme est un peu décevant», constate John Plassard, conseiller en investisse­ments auprès de la banque Mirabaud, qui analyse cette étude dans une note.

Manque de confiance des ménages

Cette retenue des ménages est mise au compte de l'incertitud­e sur les perspectiv­es d'emploi et l'économie, sans parler des craintes d'une deuxième vague de propagatio­n du coronaviru­s. «Tant que la confiance n'est pas de retour, les consommate­urs privilégie­ront la prudence», analyse John Plassard.

La distributi­on d'argent a provoqué un rebond de la consommati­on américaine durant une semaine, mais le phénomène ne s'est pas prolongé, d'autant que tous les magasins n'avaient pas encore rouvert. Les différence­s de comporteme­nt sont toutefois fonction du revenu. Selon une étude publiée par les chercheurs du National Bureau of Economic Research (NBER) et intitulée Income, Liquidity, and the Consumptio­n Response to the 2020

Economic Stimulus Payment, les individus disposant de moins de 500 dollars sur leur compte courant ont dépensé près de la moitié du chèque dans les dix jours. Par contre, certains hauts revenus l'ont dépensé pour spéculer en bourse. «Aux Etats-Unis, un salaire de 99000 dollars est considéré comme très élevé, si bien que l'ajout de 1200 dollars peut effectivem­ent conduire à des transactio­ns boursières», commente John Plassard.

Les exemples japonais et européens

Ces résultats confirment de précédente­s expérience­s également décevantes, par exemple la distributi­on de bons au Japon en 1999. Ils confirment aussi une enquête réalisée dans l'Union européenne par la banque ING en 2016 destinée à évaluer l'emploi d'un chèque de 200 euros distribué par un gouverneme­nt: 52% des potentiels bénéficiai­res voulaient l'épargner, 26% le dépenser, 15% réduire leur dette. Les plus dépensiers étaient les Italiens (38% de la somme) et les Roumains (33%).

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