La Chaux-de-Fonds au creux de l’oreille
En attendant la réouverture des théâtres, le TPR reprend «La Troisième Vérité», balade sonore à travers la ville réalisée par la comédienne Camille Mermet. Une plongée à la fois historique et rêvée, garantie sans risques sanitaires
Mercredi après-midi, enfin, on saura si les Suisses pourront reprendre le chemin de leurs théâtres début juin. D’ici là, il leur faudra patienter. Peut-être faisant un bout du chemin en solitaire… une pièce au creux de l’oreille: ce week-end, le Théâtre populaire romand propose une balade sonore à travers La Chaux-deFonds, pour ceux et celles dont les pieds, comme l’esprit, fourmillent.
Tout commence par le tic-tac d’une pendule, le frétillement d’une montre, des carillons. Puis, une voix qui nous invite: «Emparez-vous de l’instant présent et observez ce qui vous entoure.» La Troisième Vérité, c’est une visite guidée un peu particulière que l’on suit, muni d’un casque ou d’écouteurs, durant une heure. Notre guide? La comédienne et performeuse Camille Mermet. Passionnée du son, celle-ci a souhaité faire (re) découvrir la ville horlogère autrement, dans un récit audio mêlant informations et poésie.
Fontaine coquine
L’idée est née lors d’une résidence à Berlin. «Une amie est venue me voir et j’ai décidé de la surprendre en enregistrant pour elle une visite de la ville.
L’avantage de ce médium, c’est qu’on se retrouve comme dans une bulle, libéré des regards extérieurs. On devient spectateur autrement.» Imaginé pour La Chaux-de-Fonds, où il était présenté en 2017 déjà dans le cadre de La Plage des Six Pompes, le projet hors les murs a naturellement refait surface en cette période de distanciation sociale. «A la genèse, il y avait cette même envie de partager quelque chose avec quelqu’un qu’on ne peut pas avoir près de nous, qui résonne avec la situation actuelle», note Camille Mermet.
Des reliefs coquins d’une fontaine du XIXe siècle à cette cavité énigmatique, La Chaux-de-Fonds révèle, pas à pas, ses secrets. Pour les dénicher, Camille Mermet a conjugué son regard sur la ville à l’expertise d’habitants et d’historiens, dont elle distille les souvenirs et anecdotes au fil de la visite. On apprend par exemple que l’écusson chaux-de-fonnier, ses étoiles, son damier et sa ruche feraient référence non pas à la nature mais à la franc-maçonnerie…
Troisième dimension
Mais aux faits historiques se substitue bientôt, dans un glissement malin, la fiction. Soudain, la ville devient un décor de film, de rêve. Réalité et imaginaire se superposent pour former une «troisième vérité», justement – notion explorée par l’écrivain espagnol Javier Cercas dans un livre du même nom. «Il explique que ce que l’oeil ne peut pas distinguer, cet angle mort, le cerveau vient le combler, souligne Camille Mermet. Un peu comme le son laisse la liberté aux auditeurs de faire fonctionner leur imaginaire.» On glisse sans effort dans cette troisième dimension, porté par la fraîcheur de Camille Mermet, les mots joueurs de l’écrivain Dejan Gacon et les nappes sonores, mi-ambiance mi-bruitages, de Louis Jucker. Un voyage sans frontières ni risques sanitaires: on peut difficilement tomber plus à pic.
Mais Camille Mermet attend tout de même avec impatience la reprise. La comédienne a déjà été mandatée pour concocter une promenade sonore à Besançon, avant d’investir le quartier des Eaux-Vives l’été prochain. Genevois, tendez l’oreille…
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La Troisième Vérité, TPR. Sa 30, di 31 mai et lu 1er juin, départ tous les quarts d’heure de 14h à 17h30. Inscription par e-mail: info@tpr.ch