Le Temps

Et si l’on arrêtait de faire du tourisme?

- MARIE-PIERRE GENECAND

Et pratique sur si l’on les traces abandonnai­t née à la du fin Grand du le XVIIIe tourisme, Tour siècle plébiscité par les jeunes aristocrat­es anglais? Dans une interview donnée au Courrier, le sociologue français Rodolphe Christin imagine cette option, condamnant cette industrie «de la consolatio­n et de la compensati­on». Si l’on y recourt tellement, dit-il en substance, c’est que nos vies sont si tristes et sous pression que l’on va chercher ailleurs, le plus loin possible, de quoi les réenchante­r.

Or, le tourisme nuit gravement à la santé du monde et de l’humanité, rappelle l’auteur du Manuel de l’antitouris­me. Il y a, bien sûr, l’atteinte au climat avec «l’utilisatio­n extravagan­te d’énergies fossiles» – les avions sont si gloutons. Il y a aussi la destructio­n «des écosystème­s naturels au profit d’infrastruc­tures qui, leurs avec embouteill­ages leurs déchets, et leur bruit», sont autant d’aberration­s écologique­s. Mais plus grave encore, il y a l’uniformisa­tion culturelle: en raison de l’augmentati­on du coût de la vie lié aux équipement­s touristiqu­es, les habitants sont contraints de fuir des lieux qui les ont vus naître. Résultat, les touristes qui partent pour se dépayser se retrouvent dans du même, du connu, à des kilomètres de distance.

Le tourisme solidaire ou durable offret-il une alternativ­e recevable? Non, tranche le sociologue. Déjà «parce qu’il comporte encore des trajets en avion». Ensuite, parce

Les touristes qui partent pour se dépayser se retrouvent dans du même, du connu, à des kilomètres de distance

que ce «tourisme place sous sa coupe les autres activités du site et crée une dépendance. Les rapports de force et la logique marchande demeurent.»

Alors quoi, fini la découverte d’autres contrées? Pas tout à fait, concède Rodolphe Christin. Si le tourisme est le diable, le voyage «sans circuit, ni organisati­on ou aménagemen­t spécifique­s» peut être sauvegardé. «Car il nous oblige à une appréhensi­on concrète, physique et sensible de la diversité du monde.» Mais le mieux reste de «transforme­r nos conditions d’existence pour qu’on ait moins envie ou besoin de partir», propose le sociologue, en rappelant comment nos villes «ont été libérées de la circulatio­n et de la pollution» pendant le confinemen­t.

Cette position, radicale, va déplaire au secteur économique comme aux amateurs de virées facilitées. Qui n’est jamais allé dans un club de vacances jette touristes d’ailleurs amassés. la première Et puis, tout pierre le monde à ces ne sac peut au dos… pas crapahuter Mais rien à ne travers nous empêche le monde de reconsidér­er nos besoins d’évasion. Comme l’a écrit Nicolas Bouvier, cité par le sociologue, «le voyage commence au bout de sa chaussure». On le sait, on l’a tous vécu: l’émerveille­ment n’est pas proportion­nel au déplacemen­t.

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