La menace et la force: la stratégie de Donald Trump
Une bible et un air martial. Alors que l'Amérique s'embrase, que des réservistes de la Garde nationale sont déjà déployés dans de nombreuses villes, Donald Trump menace de faire appel à «des milliers de soldats lourdement armés» pour imposer l'ordre dans les rues. Pas d'appel au calme et à l'unité, mais une posture nixonienne de «loi et ordre» (law and order) pour terrasser la colère: voilà la seule réponse du président des Etats-Unis aux émeutes déclenchées par la mort de l'Afro-Américain George Floyd sous le genou d'un policier blanc. Les armes à la place des mots.
Et c'est une bible à la main, devant l'«église des présidents» barricadée, que Donald Trump s'est montré lundi, pour une opération de communication parfaitement huilée. Il a pu s'y rendre à pied, parce que les manifestants autour de la Maison-Blanche avaient préalablement été dispersés par des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes.
La scène est surréaliste. Donald Trump n'a qu'un objectif: sa réélection le 3 novembre. Il veut apparaître invincible. La bible, c'est notamment pour faire plaisir aux évangélistes, qui constituent une bonne partie de sa base électorale. Une instrumentalisation rapidement dénoncée par la pasteure responsable de l'église épiscopale Saint-John, qui n'a pas goûté à sa mise en scène et s'est dite scandalisée par le «langage incendiaire du président». Mardi, rebelote. Le président s'est cette fois rendu, avec la First Lady, devant une statue du pape Jean Paul II, pour faire croire à une sorte de mission divine. Cette fois, c'est l'archevêque de Washington, Wilton Gregory, qui a dénoncé cette utilisation de symboles chrétiens.
Donald Trump veut aussi apparaître comme le président qui restaure l'ordre et combat un «terrorisme intérieur». Il veut terrasser les «anarchistes» et les «radicaux de gauche». Or des suprémacistes blancs ont également contribué à attiser la haine et à semer le chaos. Mais là, pas un mot.
Le président agit avec les émeutes comme il l'a fait avec le Covid: cachons tout ce désordre sous le tapis, pour «redonner sa grandeur à l'Amérique». Mais il accable en passant la gauche et les médias, et exacerbe les divisions et la peur, alors que de nombreuses manifestations sont aussi pacifiques. En voulant faire croire à des perturbateurs qui cherchent à le déstabiliser, il fait diversion et évite de s'attaquer aux problèmes de fond: les divisions sociétales et les disparités raciales, déjà mises en exergue par la pandémie.
L'Amérique est au bord du gouffre, et Donald Trump apparaît comme un pompier pyromane. Il incite ses partisans à la violence et ses opposants à la révolte, au risque de donner à son pays des airs de guerre civile. Au milieu de ce chaos, son rival démocrate, Joe Biden, resté longtemps confiné dans sa cave à cause du coronavirus, a compris qu'il avait une carte à jouer. Mardi, à Philadelphie, il a tenu un discours au ton présidentiel: «Je ne diviserai pas ce pays, je tâcherai de panser nos plaies, je ne chercherai pas à fuir mes responsabilités, à accabler autrui.»
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