Le Temps

Acquitteme­nt pour le vigile impliqué dans une fusillade

- FATI MANSOUR @fatimansou­r

Aux yeux des juges, l’agent de sécurité a agi en état de légitime défense. Il faisait face à deux malfrats qui venaient de dévaliser une bijouterie et craignait pour sa vie

L’agent de sécurité, jugé en compagnie des deux malfrats qui avaient pillé une bijouterie genevoise, s’en sort avec les honneurs. Le Tribunal correction­nel estime que le vigile a fait tout juste. Il a riposté à un premier coup de feu, il devait de toute façon se défendre contre une attaque imminente et illicite, il a respecté le principe de proportion­nalité, il savait manier son arme et il n’a pas visé les braqueurs. En un mot, ce quinquagén­aire a «agi avec profession­nalisme et humanisme», conclut le verdict d’acquitteme­nt.

Version plus crédible

En l’absence de témoin direct de cette fusillade, intervenue en plein centrevill­e un samedi matin de mai 2017, les juges préfèrent retenir le récit du vigile qui a toujours affirmé avoir essuyé le premier coup de feu très impression­nant tiré avec un Magnum 44 et ses balles expansives. Le fait qu’il ait oeuvré vingt ans comme réserviste dans la gendarmeri­e française et dix ans comme agent de sécurité, sans jamais faire usage de son arme, conforte encore l’hypothèse qu’il n’a pas dégainé sans réfléchir.

Peu importe finalement qui a inauguré la fusillade, ajoute le tribunal, le vigile était en droit de déjouer cette menace imminente pour sa vie et celle de la bijoutière qui avait poursuivi ses assaillant­s dans la rue. Il a donc agi en état de légitime défense pour le premier coup, mais aussi pour les 12 qui ont suivi. S’il a lui-même reconnu avoir trop tiré, le verdict souligne que tout s’est passé en quelques secondes et que la totalité des coups était englobée par cette volonté unique et justifiée de se protéger.

Le tribunal ne voit aucune intention homicide dans cette histoire et se dit convaincu que l’agent de sécurité n’aurait pas raté les braqueurs s’il avait voulu les toucher. Même à considérer que cette riposte était disproport­ionnée, le verdict ajoute que le vigile se trouvait sans nul doute dans un état excusable d’excitation entraînant son impunissab­ilité.

Acquitté sur toute la ligne – alors que le Ministère public réclamait contre lui une peine privative de liberté de 4 ans –, l’agent de sécurité, défendu par Me Nicola Meier, touchera une indemnité de 60000 francs pour faire passer la pilule de cette procédure. A sa sortie du Palais de justice, il était attendu et applaudi par ses collègues.

Destins différents

Les deux braqueurs lyonnais – des pères de famille qui avaient un logement et du travail – connaîtron­t des destins différents. Le premier est reconnu coupable de brigandage aggravé, de tentative de meurtre pour avoir tiré et frôlé la tête du vigile ainsi que de mise en danger de la vie d’autrui (il y avait des contractue­lles non loin). Il écope de 10 ans de prison.

Son comparse, qui n’était pas armé, échappe aux accusation­s les plus graves, les juges considéran­t qu’il ne pouvait adhérer en quelques secondes à un scénario violent qui n’avait pas été prévu. Il est condamné à une peine de 5 ans et demi. Le tribunal veut croire à sa prise de conscience et relève que sa détention provisoire a été rendue très difficile par la mort accidentel­le de son fils aîné.

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(CECILIA BOZZOLI POUR LE TEMPS) La présidente Alessandra Armati (au centre), séparée des juges Antoine Hamdan et Olivier Lutz par un dispositif anti-pandémie, résume le verdict à l’intention des trois prévenus (de dos).

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