Retour à la parole (taboue)
Je l’avoue: j’avais envie de parler d’autre chose que du déconfinement. Du virus. Et en même temps, entendre de nouveau du bruit, et notamment le brouhaha des conversations aux terrasses, m’a interpellée. En réinvestissant l’espace public, nous habitons de nouveau nos rues et nos places avec nos corps, mais aussi avec nos voix. Et à ce sujet, il existe un podcast tout prêt: Parler comme jamais, de Binge Audio.
Oreilles sensibles s’abstenir. Un épisode que j’affectionne particulièrement traite de ces formules un peu taboues, qui (oui, ne faites pas cette tête) nous viennent souvent à l’esprit, souvent sans franchir la barrière de nos lèvres… les insultes.
Espèce de pipon!
Il faudra vous installer assez confortablement durant 43 minutes, car Mange tes mo(r)ts! A quoi servent les insultes? fait bien le tour de cette (épineuse) thématique. Mais une fois bien «assis·e», dans le podcast, promis, vous n’aurez plus envie d’en sortir. Pourquoi? Parce qu’il est truffé de réflexions passionnantes, amenées par deux intervenantes tout aussi passionnantes – une sociolinguiste, Maria Candea, et Dominique Lagorgette, professeure en sciences du langage. Mais aussi car l’épisode fait référence à toutes ces expressions que l’on connaît (pas si) bien, qui font parfois sourire, et que je ne retranscrirai pas ici… par décence.
Vous étiez-vous rendu compte, par exemple, que les insultes elles-mêmes – comme l’acte d’insulter – référaient presque toujours au corps, voire à une attaque physique? Traîner quelqu’un dans la boue, c’est bien le «salir» en l’insultant. Aviez-vous réalisé, aussi, que les insultes appelaient souvent les mêmes sons ([p] [t] [k])? Si l’on inventait deux mots, tels que «pipon» et «mimon», et que l’on demandait lequel des deux s’apparenterait le plus à un juron, la majorité des gens opteraient pour le premier.
La politesse impossible
Après avoir passé en revue les innombrables interrogations soulevées par ces expressions (leurs particularités culturelles, leur emploi lorsqu’elles stigmatisent des populations particulières, leurs effets), Parler comme jamais interroge la fonction centrale de nos «gros» mots et… surprise! Un monde sans insultes serait inenvisageable, n’en déplaise aux défenseuses et défenseurs de la politesse à tout prix. Ou alors, disent les expertes, nous évoluerions dans une atmosphère très violente, les insultes constituant le «dernier rempart» social avant les gestes.
Pour conclure sur une note plus douce, au-delà de leur rôle régulateur voire cathartique, le podcast rappelle que les insultes peuvent être… joviales! Certaines sont employées de manière affectueuse («lorsqu’elles sont accompagnées d’un possessif», précisons-le). Mais enfin, soyons clairs: cette chronique ne se veut pas une incitation à déverser vos jurons sans retenue, aussi pleins de camaraderie soient-ils… D’aucuns disaient: écoutez, avant de parler.
▅ «Mange tes mo(r)ts! A quoi servent les insultes?» du podcast «Parler comme jamais» de Binge Audio est disponible sur YouTube, Apple Podcasts, Spotify et Google Podcasts.