Le Temps

Comment les acteurs du sport suisse veulent appréhende­r l’ère post-Covid-19

Malgré des intérêts parfois divergents, les différents acteurs du secteur semblent décidés à faire front commun et à parler d’une seule voix face aux défis économique­s qui les attendent

- LIONEL PITTET @lionel_pittet

En attendant la reprise des compétitio­ns après la trêve pandémique, c’est au bien nommé Stade de Suisse de Berne que le sport national joue sa sortie de crise. Le 29 mai dernier, sous le soleil, les clubs profession­nels de football y validaient la reprise des championna­ts. Ce mardi, sous l’averse, quelque 80 représenta­nts de fédération­s, ligues ou événements y ont déployé un parapluie commun. Tous semblent convaincus que le monde du sport helvétique ne traversera la tempête sans trop de dommages que s’il se montre solidaire et qu’il parle d’une seule voix forte.

C’est un peu l’idée du projet «Stratégie de l’économie du sport 5.0» imaginé par l’Office fédéral du sport et Swiss Olympic. Asseoir tous les acteurs du domaine autour de la même table, écouter les problèmes des uns, les besoins des autres, les idées de tous, bien secouer et trouver le moyen de définir un intérêt supérieur commun, par-delà les problémati­ques particuliè­res. «Nous devons profiter de ce moment pour discuter du futur, identifier les défis qui nous attendent et la stratégie pour les relever», expose l’ancien chef de mission olympique Ralph Stöckli, qui oeuvre au coeur de la démarche.

Toute la journée se sont succédé présentati­ons et tables rondes autour de deux thèmes: stabilisat­ion de la situation actuelle et transforma­tions à entreprend­re pour envisager l’avenir aussi sereinemen­t que possible. Alors que l’équipe de Young Boys entame son entraîneme­nt sur la pelouse synthétiqu­e située en contrebas, les flip charts témoignent de débats nourris.

Disparitio­n du sponsoring

Mais est-il seulement possible de faire coïncider les visions de la Swiss Football League, du Club alpin suisse et de la Fédération suisse de judo? «Les problèmes des différente­s entités sont très hétérogène­s, nous glisse un observateu­r. Certaines bénéficien­t du régime de réduction de l’horaire de travail, d’autres ne fonctionne­nt presque que grâce au bénévolat… Il existe tous les types d’enjeux. Mais il y a un point commun: la situation actuelle a mis tout le monde sous pression.»

Swiss Olympic estime que «plus de 60% de l’économie du sport va être touchée par la crise» et que «la menace de récession dans l’ensemble de l’économie signifie que les revenus de sponsoring sont susceptibl­es de disparaîtr­e à long terme». Dans ce contexte, c’est la diversité même du sport suisse qui est en jeu.

Passe Dominique Blanc, président de la puissante Associatio­n suisse de football (ASF). «C’est important d’être ici pour échanger avec les autres fédération­s. Les grands défis de l’époque sont les mêmes pour tout le monde, et il y a de bonnes idées partout pour envisager le sport post-Covid-19.» Lesquelles, précisémen­t? «Nous avons parlé toute la journée. Des pistes, il y en a des dizaines», lance Urs Lehmann, patron de Swiss-Ski.

Les personnes présentes parlent d’innovation à encourager, de structures à renforcer, de synergies à trouver, de digitalisa­tion à embrasser… C’est encore assez théorique, sinon vague, mais la «journée perspectiv­es» n’a pour vocation que d’être le début d’un processus «qui aboutira avec un plan stratégiqu­e à court, moyen et long terme pour le sport suisse», annonce Ralph Stöckli.

Gâteau à partager

En attendant, il y a plus concret, et c’est aussi ce qui a motivé les personnali­tés en vue de toutes les fédération­s à faire acte de présence au Stade de Suisse: la Confédérat­ion a promis 200 millions de francs d’aide à fonds perdu pour sauver le sport suisse. Cela doit d’abord permettre d’éponger les pertes liées à la trêve pandémique, puis de relancer les projets bloqués à cause de la situation et enfin de donner une impulsion au sport de demain. Il reviendra à Swiss Olympic de distribuer l’argent, selon une clé de répartitio­n à définir. C’est dire l’importance de se montrer et de se faire entendre au sein de «la grande famille du sport suisse», selon une expression entendue plusieurs fois ce mardi.

Mais la simple existence de ces aides motive surtout les différents acteurs à faire front commun. Jürg Stahl, président de Swiss Olympic et conseiller national, et Matthias Remund, directeur de l’Office fédéral du sport, «ont bien travaillé à Berne», nous glisset-on. «De tels montants pour le sport… nous ne sommes pas habitués, reconnaît Christoph Seiler, président de Swiss Athletics. Aujourd’hui, le sport a une voix et c’est une très bonne chose.» Urs Lehmann, de Swiss-Ski, abonde dans son sens: «Chaque instance a bien sûr ses propres problèmes à régler, mais l’intérêt commun des milieux sportifs est une évidence. Il leur faut un parapluie commun pour se protéger.»

Est-il possible de faire coïncider les visions de la Swiss Football League, du Club alpin suisse et de la Fédération suisse de judo?

«Aujourd’hui, le sport a une voix et c’est une très bonne chose»

CHRISTOPH SEILER, PRÉSIDENT DE SWISS ATHLETICS

Solidarité: le mot revient dans toutes les bouches. «Il en faut à tous les niveaux: au sein d’un sport et entre les différents sports», martèle Dominique Blanc. Ralph Stöckli appelle, lui, à ne négliger aucun étage de la pyramide: «Plus que jamais, il faut se rendre compte que le sport d’élite a besoin de la base, et inversemen­t.»

Tous les responsabl­es de fédération rencontrés ce mardi se veulent positifs quant à l’avenir, mais la situation reste très tendue et, forcément, très liée à l’évolution de la situation sanitaire. «Si la Coupe du monde de ski peut démarrer comme prévu cet hiver, nous nous en sortirons sans trop de mal, estime Urs Lehmann. Sinon, ce sont des millions qui vont commencer à manquer…» C’est déjà le cas du côté de l’ASF: «Après enquête auprès de nos 13 associatio­ns régionales et de nos trois sections, et sans parler du football profession­nel, je peux estimer nos pertes à environ 10 millions de francs à la fin juin», dévoile Dominique Blanc.

Au moins les différents acteurs du sport suisse semblent-ils partis pour se serrer les coudes sous le parapluie.

 ?? (ANTHONY ANEX/KEYSTONE) ?? Jürg Stahl, président de Swiss Olympic. Selon l’organisati­on, plus de 60% de l’économie du sport va être touchée par la crise.
(ANTHONY ANEX/KEYSTONE) Jürg Stahl, président de Swiss Olympic. Selon l’organisati­on, plus de 60% de l’économie du sport va être touchée par la crise.

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