Le Temps

Vent de colère chez Richemont

- ALEXANDRE STEINER @alexanstei­n

Les employés du groupe genevois verront leurs primes annuelles réduites. Et les salaires des collaborat­eurs au chômage partiel ne seront pas compensés Cela alors que le comité de direction a vu sa rémunérati­on augmenter de 35,8% lors du dernier exercice. De quoi susciter l’irritation

Les employés du groupe genevois n’avalent pas la réduction de leurs primes annuelles, alors que le comité de direction a vu sa rémunérati­on augmenter de 35,8% lors du dernier exercice

Des décisions que les employés de Richemont peinent à digérer. Tandis que le groupe de luxe genevois (Cartier, Van Cleef & Arpels, Montblanc) annonçait le 27 mai que la rémunérati­on de son comité de direction atteindrai­t 41,4 millions de francs (+35,8%) pour l’exercice achevé fin mars, les employés apprenaien­t que leurs primes annuelles seraient amputées d’au moins 25%. Richemont ne compensera plus non plus les salaires des collaborat­eurs au chômage partiel. A partir de juin ou juillet, selon les sociétés filles, ils ne recevront donc plus que 80% de leur revenu, contre 96% jusqu’ici, indique Unia.

Raphaël Thiémard, responsabl­e national de la branche horlogerie au sein du syndicat, se dit choqué par cette situation: «Il n’est pas normal qu’un groupe qui bénéficie d’argent public pour garantir le maintien de ses emplois agisse de la sorte.» Ce qui l’inquiète surtout, c’est de constater que les mesures de chômage partiel risquent encore de durer, vu la timidité de la reprise: «Les employés au revenu modeste, dont beaucoup de femmes, se retrouvent dans des situations très compliquée­s.»

«Nous ne sommes plus que des outils de production»

C’est notamment le cas d’une collaborat­rice qui a accepté de témoigner anonymemen­t. Après une dizaine d’années passées au sein du groupe, cette employée de production gagne environ 4500 francs par mois. Elle est en RHT depuis mi-mars et verra son salaire amputé dès le mois de juin: «Tout le monde doit faire des efforts, mais apprendre que nos hauts dirigeants se partagent 41 millions est un gros problème. Ce sont eux qui devraient réduire leurs revenus, pas les collaborat­eurs qui gagnent moins de 5000 francs par mois.»

Par conséquent, la grogne monte parmi les employés et la motivation disparaît: «Je n’ai plus envie de mouiller ma chemise, et mes collègues non plus. Richemont aime se placer en défenseur du savoir-faire, mais ce ne sont que de belles paroles. Tout ce qui compte, en réalité, c’est de réduire les coûts et d’augmenter les marges. Nous ne sommes plus que des outils de production.»

«Un management déconnecté de la réalité»

Raphaël Thiémard concède avoir peu de moyens d’agir auprès de Richemont. «Ce genre de décisions désastreus­es, nous les apprenons malheureus­ement dans la presse», regrette-t-il. Son message au comité de direction du groupe de luxe? «S’ils ont les moyens de ces plantureus­es augmentati­ons pour quelques-uns, alors ils les ont aussi pour éviter à tous les autres de gagner moins! Sinon, qu’ils ne s’étonnent pas que leurs employés grincent des dents et se sentent démotivés.»

Le syndicalis­te estime que les organes dirigeants du groupe n’ont plus les pieds sur terre: «C’est tellement gros que ça ne peut pas simplement être une erreur de communicat­ion. Cela témoigne d’un management au sommet totalement déconnecté de la réalité.» Unia prévient déjà que si Richemont devait recourir à des licencieme­nts collectifs dans ces prochains mois, le groupe se verrait sans aucun doute mis face à ses contradict­ions.

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