Le Temps

Multinatio­nales responsabl­es: «Les parlementa­ires ont raté leur chance»

- PROPOS RECUEILLIS PAR BORIS BUSSLINGER @BorisBussl­inger

Après trois ans de pourparler­s, le parlement s’est enfin mis d’accord sur un contre-projet à l’initiative pour des multinatio­nales responsabl­es. Il ne convainc toutefois pas les initiants, qui ne retireront pas leur texte à son profit

Ce mardi, le parlement a enfin tranché. Après des années de débat sur l’initiative pour des multinatio­nales responsabl­es, qui souhaite conférer aux victimes de filiales d’entreprise­s domiciliée­s en Suisse le pouvoir d’obtenir des réparation­s sur sol helvétique, les Chambres fédérales se sont mises d’accord pour soutenir le contre-projet du Conseil fédéral: l’obligation pour les multinatio­nales de rendre un rapport annuel sur leur politique dans le domaine des droits de l’homme – si toutefois elles disposent d’une telle politique – et celle d’un devoir de «diligence» en matière de travail d’enfants et de «minerais de la guerre». La propositio­n ne satisfait aucunement les initiants, qui affûtent désormais leurs armes en attendant la votation, qui pourrait intervenir dès novembre. Trois questions à leur porte-parole, Chantal Peyer.

Des années de débat s’achèvent sur un contre-projet qui ne vous satisfait pas. Votre réaction? Pour nous, le constat est clair. Les parlementa­ires n’ont pas pris la mesure des changement­s de société en cours et les entreprise­s pourront continuer de violer impunément les droits humains. La position des grands lobbys économique­s a triomphé, sans remise en question. Le contre-projet sur la table, qui ne formule qu’une obligation de rapporter sur ses activités, a déjà été adopté il y a cinq ans par Bruxelles. Or, l’UE a récemment fait le constat que ces directives, si elles apportent un peu plus de transparen­ce, ne se traduisent pas par des améliorati­ons crédibles sur le terrain.

Le peuple fera-t-il la différence? Ce sera à nous de l’expliquer. Mais la position adoptée par le parlement aujourd’hui est insuffisan­te. En juin, Glencore a publié son rapport de durabilité 2019. Celui-ci indique que l’entreprise n’a connu aucun incident majeur durant cette année. Or, il y a eu deux accidents graves au Congo l’année dernière. Lors d’un premier incident, un camion de livraison d’acide s’est renversé sur plusieurs personnes, qui ont été brûlées vives. Quelques mois plus tard, 30 creuseurs artisanaux sont morts dans l’éboulement d’une mine. Le rapport de l’entreprise n’en fait pas état, ce qui prouve qu’il ne sert à rien. Or, ce genre de document est tout ce que demande le contre-projet. Cela ne suffit pas.

«La position des grands lobbys économique­s a triomphé»

CHANTAL PEYER

La crise économique met-elle en péril votre initiative? Penser que la crise va engendrer la peur et que la population votera automatiqu­ement pour le statu quo est faux. Il y a énormément de gens qui se posent des questions sur la manière de faire du commerce à l’heure actuelle, y compris dans les rangs d’entreprene­urs du centre et de droite. Quant au soutien de la population, les derniers sondages réalisés fin avril – en pleine crise sanitaire – indiquent qu’il est en constante augmentati­on.

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