Le monde d’après pour un PLR
Un journaliste m’a récemment posé la question suivante: quelle doit être la réponse du PLR à la crise que nous connaissons? Vaste sujet! La période que nous vivons est extraordinaire. On pourrait être tenté d’affirmer avec d’autres que cette crise signifiera un coup d’arrêt à la mondialisation et d’engager un nouveau procès contre le libre-échange. Ce serait une réponse superficielle. Depuis trente ans, la dynamique de la mondialisation s’est révélée très profitable pour d’innombrables pays, notamment en Asie. L’extrême pauvreté a été divisée par quatre; l’analphabétisme est passé durant cette période d’environ 25% de la population mondiale à moins de 15% aujourd’hui; la mortalité infantile a diminué de plus de la moitié. A contrario, les mesures de confinement prises dans les pays occidentaux pour lutter contre la pandémie ont fait chuter dramatiquement les échanges commerciaux mondiaux, ce qui aura pour effet, entre autres, selon le Programme alimentaire mondial (PAM), de doubler à plus de 250 millions d’ici fin 2020 le nombre de personnes souffrant sévèrement de la faim. Aussi, la dynamique de la mondialisation a permis l’accélération des programmes de recherches scientifiques qui permettent de lutter contre les maladies et, précisément, contre les pandémies. Elle a aussi rendu possible le financement d’un Etat social fort et résistant dans notre pays qui nous apporte aujourd’hui les moyens financiers étatiques dont nos entreprises et nos services de santé ont besoin, au même titre que nos chômeurs.
Cela dit, la mondialisation est mal régulée. Les disparités sociales s’accroissent dans beaucoup de pays et la dégradation de l’environnement planétaire s’amplifie chaque jour et comporte des incidences aussi catastrophiques qu’ingérables. Or, dans l’avenir immédiat, les déficits publics s’annoncent alarmants. Cependant, malgré la nécessité de les combler progressivement, nous ne devrons pas ralentir mais au contraire accélérer nos efforts pour réduire notre empreinte carbone afin de tenir les engagements que nous avons pris en ratifiant les Accords de Paris sur le climat. A ce titre, comme le prévoit l’actuel projet de révision de la loi sur le CO2, il faut que l’on intègre dans nos législations, et donc dans nos modes de vie, le principe du pollueur-payeur qui a pour objectif de prendre en compte les externalités négatives (pollution) dans les prix de nos produits. Avec des transports de marchandises (fret maritime et aviation) qui ne prennent pas en compte leurs coûts réels, la mondialisation a eu des conséquences très néfastes, avec des produits qui font parfois plusieurs fois le tour du monde avant de trouver leurs consommateurs. Dans ce domaine, cela veut dire que nous devrons tenir compte, dans nos accords commerciaux bilatéraux ou multilatéraux, des problématiques environnementales et sociales.
Enfin, l’on ne pourra pas affronter ces défis de manière autonome. Le repli sur soi-même ou la fermeture des frontières peuvent apparaître rassurants pour l’électeur mais cette dernière est la mauvaise réponse à apporter à la crise que nous vivons. Beaucoup, de Trump à Johnson et Bolsonaro en passant par Blocher, convoqueront les élites internationalistes et mondialisées sur le banc des accusés pour expliquer notre crise et trouver des boucs émissaires. Il ne faudra pas se tromper, dans ce débat mortifère. La Suisse est un pays riche parce qu’elle est ouverte sur le monde et sur l’Union européenne par les accords bilatéraux.
Elle gagne un franc sur deux à l’étranger. Elle accueille sur son territoire des travailleurs qui viennent apporter leur force de travail et leurs compétences à nos centres de recherche, à nos entreprises et à nos hôpitaux. Sans eux, notre pays ne serait pas à la pointe de l’innovation. Aussi, la Suisse devra se montrer solidaire. Cette crise va fragiliser encore les pays du Sud, singulièrement ceux du Proche-Orient et de l’Afrique. Il est à craindre une augmentation massive de la pauvreté qui générera son lot de conflits armés et d’immigration vers l’Europe. Il est illusoire de croire que cela n’aura pas d’impact sur nous. A ce titre, malgré les déficits publics, nous aurons la responsabilité de répondre aux besoins de ces pays par de l’aide humanitaire et par l’augmentation de nos budgets sur des projets ciblés et efficaces de développement.
La période post-Covid qui va s’ouvrir ne sera pas simple. Dans le brouhaha de ceux qui dénonceront un peu rapidement le «monde d’hier», le PLR devra éviter de tomber dans les discours simplistes et être le parti de la raison et des faits objectifs. Il aura aussi à se montrer à la hauteur des défis climatiques qui s’imposent à nous. Enfin, il devra défendre une Suisse ouverte sur le monde et engagée face aux enjeux du développement.
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La Suisse est un pays riche parce qu’elle est ouverte sur le monde et sur l’Union européenne par les accords bilatéraux