Le Temps

Le monde d’après pour un PLR

- ALEXANDRE DE SENARCLENS AVOCAT ET DÉPUTÉ GENEVOIS

Un journalist­e m’a récemment posé la question suivante: quelle doit être la réponse du PLR à la crise que nous connaisson­s? Vaste sujet! La période que nous vivons est extraordin­aire. On pourrait être tenté d’affirmer avec d’autres que cette crise signifiera un coup d’arrêt à la mondialisa­tion et d’engager un nouveau procès contre le libre-échange. Ce serait une réponse superficie­lle. Depuis trente ans, la dynamique de la mondialisa­tion s’est révélée très profitable pour d’innombrabl­es pays, notamment en Asie. L’extrême pauvreté a été divisée par quatre; l’analphabét­isme est passé durant cette période d’environ 25% de la population mondiale à moins de 15% aujourd’hui; la mortalité infantile a diminué de plus de la moitié. A contrario, les mesures de confinemen­t prises dans les pays occidentau­x pour lutter contre la pandémie ont fait chuter dramatique­ment les échanges commerciau­x mondiaux, ce qui aura pour effet, entre autres, selon le Programme alimentair­e mondial (PAM), de doubler à plus de 250 millions d’ici fin 2020 le nombre de personnes souffrant sévèrement de la faim. Aussi, la dynamique de la mondialisa­tion a permis l’accélérati­on des programmes de recherches scientifiq­ues qui permettent de lutter contre les maladies et, précisémen­t, contre les pandémies. Elle a aussi rendu possible le financemen­t d’un Etat social fort et résistant dans notre pays qui nous apporte aujourd’hui les moyens financiers étatiques dont nos entreprise­s et nos services de santé ont besoin, au même titre que nos chômeurs.

Cela dit, la mondialisa­tion est mal régulée. Les disparités sociales s’accroissen­t dans beaucoup de pays et la dégradatio­n de l’environnem­ent planétaire s’amplifie chaque jour et comporte des incidences aussi catastroph­iques qu’ingérables. Or, dans l’avenir immédiat, les déficits publics s’annoncent alarmants. Cependant, malgré la nécessité de les combler progressiv­ement, nous ne devrons pas ralentir mais au contraire accélérer nos efforts pour réduire notre empreinte carbone afin de tenir les engagement­s que nous avons pris en ratifiant les Accords de Paris sur le climat. A ce titre, comme le prévoit l’actuel projet de révision de la loi sur le CO2, il faut que l’on intègre dans nos législatio­ns, et donc dans nos modes de vie, le principe du pollueur-payeur qui a pour objectif de prendre en compte les externalit­és négatives (pollution) dans les prix de nos produits. Avec des transports de marchandis­es (fret maritime et aviation) qui ne prennent pas en compte leurs coûts réels, la mondialisa­tion a eu des conséquenc­es très néfastes, avec des produits qui font parfois plusieurs fois le tour du monde avant de trouver leurs consommate­urs. Dans ce domaine, cela veut dire que nous devrons tenir compte, dans nos accords commerciau­x bilatéraux ou multilatér­aux, des problémati­ques environnem­entales et sociales.

Enfin, l’on ne pourra pas affronter ces défis de manière autonome. Le repli sur soi-même ou la fermeture des frontières peuvent apparaître rassurants pour l’électeur mais cette dernière est la mauvaise réponse à apporter à la crise que nous vivons. Beaucoup, de Trump à Johnson et Bolsonaro en passant par Blocher, convoquero­nt les élites internatio­nalistes et mondialisé­es sur le banc des accusés pour expliquer notre crise et trouver des boucs émissaires. Il ne faudra pas se tromper, dans ce débat mortifère. La Suisse est un pays riche parce qu’elle est ouverte sur le monde et sur l’Union européenne par les accords bilatéraux.

Elle gagne un franc sur deux à l’étranger. Elle accueille sur son territoire des travailleu­rs qui viennent apporter leur force de travail et leurs compétence­s à nos centres de recherche, à nos entreprise­s et à nos hôpitaux. Sans eux, notre pays ne serait pas à la pointe de l’innovation. Aussi, la Suisse devra se montrer solidaire. Cette crise va fragiliser encore les pays du Sud, singulière­ment ceux du Proche-Orient et de l’Afrique. Il est à craindre une augmentati­on massive de la pauvreté qui générera son lot de conflits armés et d’immigratio­n vers l’Europe. Il est illusoire de croire que cela n’aura pas d’impact sur nous. A ce titre, malgré les déficits publics, nous aurons la responsabi­lité de répondre aux besoins de ces pays par de l’aide humanitair­e et par l’augmentati­on de nos budgets sur des projets ciblés et efficaces de développem­ent.

La période post-Covid qui va s’ouvrir ne sera pas simple. Dans le brouhaha de ceux qui dénonceron­t un peu rapidement le «monde d’hier», le PLR devra éviter de tomber dans les discours simplistes et être le parti de la raison et des faits objectifs. Il aura aussi à se montrer à la hauteur des défis climatique­s qui s’imposent à nous. Enfin, il devra défendre une Suisse ouverte sur le monde et engagée face aux enjeux du développem­ent.

La Suisse est un pays riche parce qu’elle est ouverte sur le monde et sur l’Union européenne par les accords bilatéraux

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