Les déplacements forcés s’accélèrent
Le monde compte près de 80 millions de déplacés, deux fois plus qu’il y a dix ans. Vu la désunion de la communauté internationale, le réchauffement climatique et la pandémie de Covid-19, aucune amélioration n’est en vue
A la fin de l’année 2019, près de 80 millions de personnes étaient déracinées après avoir été chassées de chez elles par la guerre et l’insécurité. Ce chiffre record représente 1% de l’humanité. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui présentait jeudi son rapport sur les déplacements forcés, ne prévoit pas d’amélioration à court terme, d’autant plus que la pandémie de Covid-19 aggrave les crises humanitaires existantes et freine encore les relocalisations de réfugiés dans les pays riches.
Le poids de la Syrie et du Venezuela
Rappelons que 85% des réfugiés sont hébergés dans les pays en développement. Cela s’explique par le fait que la plupart des conflits se déroulent loin des frontières des pays développés. En effet, les trois quarts des réfugiés sont accueillis dans les pays qui partagent une frontière avec un Etat en guerre.
L’agence onusienne basée à Genève parle pour la période 20092019 d’une «décennie de déplacements». De 1990 à 2009, le nombre de déplacés dans le monde oscillait autour de 40 millions. Il a presque doublé depuis. Plusieurs facteurs à cela: tout d’abord, la guerre en Syrie, commencée en 2011, a déplacé à elle seule 13,2 millions de personnes. La moitié d’entre elles ont trouvé refuge à l’intérieur de leur pays, l’autre moitié a fui à l’étranger, surtout dans les pays voisins. Les Syriens forment la plus grande population déplacée du monde.
Autre crise majeure, la récente déliquescence du Venezuela a poussé à l’exode 4,5 millions d’habitants. Le HCR souligne que 68% des réfugiés dans le monde sont originaires de seulement cinq pays: la Syrie, le Venezuela, mais aussi l’Afghanistan, en guerre depuis des décennies, le Soudan du Sud, déchiré depuis son indépendance en 2011, et la Birmanie, dont l’armée a chassé durant l’été 2016 des centaines de milliers de Rohingyas, la minorité musulmane, qui se sont réfugiés au Bangladesh voisin.
Seconde explication: les réfugiés sont moins nombreux à pouvoir rentrer chez eux et les camps deviennent des villes permanentes. Durant cette dernière décennie, 3,9 millions de personnes ont pu retourner dans leur pays, soit près de trois fois moins que dans les années 2000. Certains conflits s’éternisent et deviennent plus complexes. Même si la notion de réfugié climatique n’est pas reconnue par les Etats et que la protection de cette catégorie de gens ne fait pas partie du mandat du HCR, l’agence onusienne pense que le réchauffement a aussi un impact sur l’augmentation des déplacements, en exacerbant les conflits.
«Incapable de faire la paix»
«La communauté internationale est si divisée, tellement incapable de faire la paix que, malheureusement, la situation va continuer de s’aggraver, et je crains beaucoup que l’année prochaine soit pire encore que cette année», analyse Filippo Grandi, le directeur du HCR, interrogé par l’AFP.
En 2019, 11 millions de personnes supplémentaires ont été déplacées; mais le patron du HCR veut aussi être optimiste. Si des solutions politiques sont apportées aux quelques conflits qui causent le plus de déplacements, «la moitié des problèmes» aura été résolue.
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