Le Temps

Les communes à la caisse

- YVES PETIGNAT JOURNALIST­E

Le Conseil fédéral a-t-il encore besoin des communes? En tirant un bilan intermédia­ire de la crise du coronaviru­s, la semaine dernière, le ministre de la Santé Alain Berset a célébré les vertus du système suisse qui a permis de tenir le choc. Il n’a pas manqué, et c’est justice, de remercier tous ceux qui «des hôpitaux au ramassage des déchets, en passant par l’ensemble de la chaîne alimentair­e, la distributi­on du courrier ou l’approvisio­nnement en énergie» ont permis au pays de ne pas cesser de fonctionne­r. Il a cité cantons, partis politiques, associatio­ns, communauté scientifiq­ue et même l’OMS. Il n’a surtout pas manqué de délivrer un bulletin d’autosatisf­action pour la collégiali­té du Conseil fédéral, sa force de conviction et son sens de la proportion­nalité. On applaudit.

Dans ces éloges collectifs il n’aura manqué que les communes. Elles qui ont été en première ligne pour le soutien aux personnes fragiles, ont géré la crise au plus près de la population, assuré le maintien des services publics et de la sécurité. Elles qui ont appliqué sans rechigner les mesures décidées d’en haut et controvers­ées. Pour qui s’engage encore volontaire­ment au service de la collectivi­té comme élu-e de milice, dans les petites villes ou les villages, conseillèr­es ou conseiller­s, maires, syndics ou présidents, cette absence de reconnaiss­ance n’aurait pas valu d’être relevée. C’est l’aune à laquelle se mesure la grandeur des république­s.

S’il n’y avait ce coup de pied de l’âne. Le Conseil fédéral vient de décider que les crèches publiques n’auraient pas droit à l’aide d’urgence de 65 millions imposée par le parlement contre la volonté du gouverneme­nt. Cette aide serait réservée aux institutio­ns privées. Pour les communes, les structures d’accueil de la petite enfance ou périscolai­res sont des services prioritair­es. Mais aussi de lourdes charges financière­s. Alors que la Confédérat­ion priait les parents de retirer leurs enfants des crèches et unités d’accueil, celles-ci restaient ouvertes pour accueillir les enfants de soignants. Les pertes de contributi­ons parentales sont énormes, alors que les coûts fixes n’ont pas diminué.

La facture ne va pas s’arrêter là. La Conférence suisse des institutio­ns d’action sociale évalue à 1 milliard, selon un scénario moyen, les coûts supplément­aires de l’aide sociale à charge des cantons et des communes pour 2022. Une augmentati­on d’un tiers. Entre 55000 et 100000 personnes de plus menacées de précarité. L’Associatio­n suisse des communes exige dès lors que la Confédérat­ion finance des mesures supplément­aires pour permettre aux personnes au bénéfice de l’aide sociale de retrouver un emploi au plus vite. Mais ce n’est que dans les deux années à venir que les collectivi­tés locales subiront les effets de la crise de plein fouet. Le chômage partiel, la fermeture d’entreprise­s durant des semaines, voire des mois dans l’arc horloger, l’augmentati­on du nombre de chômeurs en fin de droits, les faillites d’indépendan­ts et petits commerçant­s vont se répercuter sur les rentrées fiscales et l’aide sociale. Il va falloir supprimer des services et augmenter les impôts. Car si la Confédérat­ion peut accumuler impunément les dettes, les finances des communes sont strictemen­t encadrées. Dans une société où le citoyen se résume souvent à un consommate­ur de prestation­s publiques, les collectivi­tés locales seront les premières à être blâmées.

Si la Confédérat­ion peut accumuler impunément les dettes, les finances des communes sont strictemen­t encadrées

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