Le Temps

Terrabloc se lance dans les cloisons

- SERVAN PECA @servanpeca

Après les briques et les éléments de terre crue, l’entreprise genevoise, vainqueur du Prix SUD 2019 organisé par «Le Temps», travaille sur la fabricatio­n de cloisons. Pour accélérer la démocratis­ation de l’usage de la terre dans la constructi­on

Terrabloc a passé l’hiver. La start-up genevoise a même passé le printemps. Un printemps si spécial qui, «on l’espère, éveillera les conscience­s», lance Rodrigo Fernandez, l’un des deux fondateurs de l’entreprise genevoise.

S’il souhaite que cette crise et les suivantes – sociales, environnem­entales – nous fassent revenir un peu plus vers l’essentiel, c’est par conviction. Mais aussi par intérêt, lui qui, avec son associé Laurent de Wurstember­ger, s’est lancé il y a un peu moins de dix ans dans la fabricatio­n de briques en terre crue compactée. Un ovni dans un monde de la constructi­on habitué au béton.

En octobre dernier, Terrabloc remportait la deuxième édition du Prix SUD, le Prix de la start-up durable, créé et organisé par Le Temps. L’entreprise a par ailleurs entamé plusieurs chantiers d’une envergure inédite pour elle. Parmi eux, les murs de quatre étages qui s’élèveront autour des deux atriums de la future Maison de l’environnem­ent, à Vennes, sur les hauts de Lausanne. Le maçonnage, d’abord prévu ce printemps, débutera en septembre. Mais la production est prête – des éléments de 80 x 30 x 15 cm, pour une surface totale de 800 m². Un prototype de 5 m de haut et 4 m de large a même déjà été édifié au sein de l’entreprise générale JPF, au Pâquier (FR).

Des reports, Terrabloc en accuse aussi pour d’autres projets ou d’autres autorisati­ons. Tout a été ralenti depuis la mi-mars. «Mais ceux qui veulent travailler avec nous ne changeront pas d’avis», assure Rodrigo Fernandez. En 2019, comme il l’avait entrevu, Terrabloc a dégagé un chiffre d’affaires de 500000 francs. Ce seuil du demi-million ne sera en revanche pas atteint cette année. «Ce serait faux de dire que c’est uniquement en raison des retards, nous sentions déjà une petite baisse depuis fin 2019.» Mais il ne s’inquiète pas. «C’est normal, on débute, nous n’avons pas encore ce fonds de travail qui fait que nos revenus sont stabilisés.» Mais en 2021, au vu des commandes déjà enregistré­es, cette somme devrait être dépassée. «On devrait repartir de plus belle», se réjouit-il.

Et pour, justement, stabiliser et faire grandir ces revenus à l’avenir, Terrabloc se lance dans une troisième grande étape. Après les briques de taille standard et les éléments de plus grande taille – les Terrapads – qui seront utilisés à Vennes, ce sont désormais des cloisons de 8 cm d’épaisseur qui sont en phase d’essai. Un projet réalisé grâce à l’appui financier de 40000 francs de la Fondation suisse pour le climat. L’idée des «Terraplac», c’est «de démocratis­er la terre». La technique de Terrabloc, inspirée du pisé, ne doit pas seulement servir d’apparat. Elle doit aussi s’intégrer dans des travaux plus standard. «Jusqu’ici, nous étions beaucoup dans l’apparence, et nous étions un peu plus chers. Mais les gens ne veulent pas forcément avoir des briques visibles partout.»

Le moule de ces nouvelles pièces sera livré à la fin du mois d’août. Techniquem­ent, les défis seront de parvenir à alléger la terre, donc les cloisons, avec des produits naturels et préparer les chanfreins, ces petites surfaces formées par le découpage, à 45 degrés, des arêtes des blocs. Commercial­ement parlant, «des premiers contacts ont eu lieu avec des architecte­s».

Consommer local

Rodrigo Fernandez est confiant. «Beaucoup de gens nous ont approchés pendant le semi-confinemen­t. Cela a été très rapide! Ils ont sans doute eu plus de temps pour chercher des alternativ­es.» Selon lui, ce sont aussi les notions de proximité et de consommati­on (de terre) locale qui ont gagné en importance pendant cette crise.

Comme l’épicier du coin, la différence entre les élans de mars et avril et les vieilles habitudes retrouvées en mai se fait déjà sentir. Mais s’il n’en reste ne serait-ce qu’une partie de ces clients que le Covid-19 a fait réfléchir, Rodrigo Fernandez s’en contente déjà. «C’est exactement la réflexion que nous menons depuis le début avec l’idée de Terrabloc.» ▅

«Jusqu’ici, nous étions beaucoup dans l’apparence, et nous étions un peu plus chers. Mais les gens ne veulent pas forcément avoir des briques visibles partout»

RODRIGO FERNANDEZ, COFONDATEU­R DE TERRABLOC

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