Le Temps

Entre Pékin et Bruxelles, de nombreux griefs

- SOLENN PAULIC, BRUXELLES

Européens et Chinois ont de nouveau mis leurs désaccords commerciau­x et politiques sur la table lundi lors d’un sommet virtuel

Entre Bruxelles et Pékin, les sujets de fâcherie ne manquaient pas avant la crise sanitaire. Les accusation­s de fake news sur le coronaviru­s lancées par Bruxelles n’ont rien arrangé. Le chantage actuel des Américains, inquiets de voir leurs rivaux économique­s se rapprocher, et la loi sécuritair­e à venir pour Hongkong se sont encore ajoutés pour troubler le 22e sommet bilatéral que l’Union européenne (UE) et la Chine ont tenu lundi.

Cette réunion «virtuelle» avait pour objectif de mettre à plat toute une série de problèmes persistant­s entre les deux partenaire­s, qui s’échangent des biens à hauteur d’1,5 milliard d’euros par jour. Elle a abordé tout ou presque, ont confirmé la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et le président du Conseil européen, Charles Michel, lors d’une conférence de presse à laquelle n’ont pas participé leurs interlocut­eurs chinois, le premier ministre, Li Keqiang, et le président, Xi Jinping.

La réunion a été «franche et ouverte», a commenté Charles Michel, «intense» et «très large», a confié la présidente allemande de la Commission. Et même si aucune déclaratio­n écrite n’a été adoptée, les deux parties sont convenues de poursuivre le dialogue après l’été.

Un partenaire «complexe»

Mais pour l’UE, la problémati­que n’a pas beaucoup changé avec ce partenaire «complexe» comme les deux responsabl­es européens l’ont décrit: à la fois positif quand il se comporte en allié sur le changement climatique, agressif en matière commercial­e et inégal dans l’ouverture de son marché aux entreprise­s européenne­s.

L’UE se plaint depuis des années d’une absence de réciprocit­é en matière d’accès aux marchés publics. Elle souhaite aussi régler le problème d’entreprise­s étatiques chinoises démesuréme­nt subsidiées, qui exercent une concurrenc­e déloyale sur son sol. Enfin, elle réclame à Pékin des garanties sur les transferts de technologi­e. Des rééquilibr­ages d’autant plus urgents que l’économie européenne a été affaiblie par la pandémie.

C’est précisémen­t l’objectif de l’accord sur les investisse­ments que les deux partenaire­s se sont engagés en 2019 à signer avant la fin de cette année. Mais Pékin n’a pas encore «montré l’ambition» suffisante pour le concrétise­r, a regretté Ursula von der Leyen. L’Allemande aimerait que la Chine s’engage davantage sur le sujet «avant la fin de l’été» afin que le texte puisse encore être signé en 2020.

Ce n’est pas un hasard si la Commission européenne a publié la semaine dernière un livre blanc sur les subsides étrangers visant son marché intérieur, un document considéré comme un moyen de faire directemen­t pression sur la Chine: Bruxelles a en effet l’intention de mettre en place des outils permettant de mieux protéger l’Europe de «prises de participat­ion hostiles» et de mieux identifier des distorsion­s de marchés dans l’octroi de subvention­s étrangères. Un nouveau mécanisme de filtrage des investisse­ments étrangers est annoncé. Seule petite percée dans les domaines économique et commercial: Pékin et Bruxelles se rapprocher­aient d’un accord sur les indication­s géographiq­ues protégées.

Le tableau est resté lundi pauvre en bonnes nouvelles. La réunion a aussi été l’occasion pour les Européens de dire leur inquiétude à l’égard de Hongkong et de la loi de sécurité nationale promise dans le territoire. Une loi qui remet en question le principe «un Etat, deux systèmes» et contrevien­t aux engagement­s internatio­naux de la Chine, ont déploré les deux responsabl­es européens, également inquiets de voir Pékin s’en prendre à la neutralité politique des entreprise­s européenne­s basées à Hongkong.

Des effets «très négatifs»

Pour Ursula von der Leyen, cette loi sécuritair­e aura inévitable­ment des «conséquenc­es très négatives» sur le plan internatio­nal.

Berlin va tenter de faire avancer tous ces dossiers à partir du 1er juillet en prenant les rênes de l’UE. Un Sommet «physique» devait initialeme­nt se tenir à Leipzig fin septembre. Crise sanitaire oblige, la réunion pourrait prendre un autre format mais elle aura lieu, Berlin ayant fait des relations avec la Chine une de ses priorités.

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