Lausanne veut se débarrasser de sa prison
Le syndic de Lausanne, Grégoire Junod, critique la volonté de l’Etat de Vaud de rénover et pérenniser l’établissement pénitentiaire de Bois-Mermet, en pleine ville. A terme, le nouvel écoquartier des Plaines-du-Loup en sera impacté
Une prison en ville, c’est un concept d’un autre siècle. L’Etat de Vaud avait eu l’air de le penser en parlant de la fermeture du centre pénitentiaire du Bois-Mermet et du transfert de ses détenus dans la future prison des Grands-Marais à Orbe. Sur les hauteurs de Lausanne, Bois-Mermet s’inscrit dans un quartier densément peuplé, qui va se densifier encore avec le nouvel écoquartier des Plainesdu-Loup. Mais le mois dernier, le gouvernement cantonal surprenait jusqu’au syndic de Lausanne lui-même, en annonçant qu’il renonçait à fermer l’établissement. Au contraire, il prévoit de le rénover avec des travaux évalués à 24,5 millions de francs. De quoi garantir son fonctionnement jusqu’en 2050.
Le canton qui refuse de fermer la prison du Bois-Mermet, c’est une trahison politique? Le terme est excessif, mais le moins qu’on puisse dire, c’est que l’on a été surpris. Nous n’avons pas été avertis de cette évolution, alors que l’on avait eu des discussions avec l’Etat à de très nombreuses reprises à ce sujet. C’est d’ailleurs à l’époque le Conseil d’Etat qui avait affiché sa volonté de vouloir quitter Bois-Mermet. Nous n’avions rien demandé, mais le développement du nouvel écoquartier des Plaines-du-Loup a été pensé dans la perspective que la prison déménage.
Cela dit, je ne suis pas surpris que l’Etat joue les prolongations, j’ai toujours été sceptique sur le fait que la prison quitte réellement Lausanne à l’horizon 2025. Ce sont des investissements compliqués, il y a une surpopulation carcérale dans le canton et l’on commence rarement par démanteler une infrastructure existante. Je peux donc comprendre que le déménagement soit repoussé d’une dizaine d’années. Mais que l’on me dise carrément que l’on investit pour trente ou quarante ans, soit l’échelle de deux générations, c’est pour le moins étonnant! C’est une rénovation pérenne, plus du provisoire.
Aviez-vous déjà pensé aux possibles utilisations de ce terrain? Pas de manière précise, il y a eu beaucoup d’idées esquissées. Une affectation culturelle, des ateliers d’artistes, ou un hôtel.
C’est une occasion ratée? J’ai l’impression que les choses sont encore récupérables. Je me souviens de Béatrice Métraux et Pascal Broulis, main dans la main, déclarant il y a quelques années que l’Etat avait tranché, qu’il renonçait à Bois-Mermet pour un projet plus cohérent à Orbe. Le Grand Conseil a voté un crédit d’étude, il devra se reprononcer en 2022, il n’a pas encore pris sa décision.
Avoir une prison dans le secteur du nouvel écoquartier des Plaines-duLoup, ce n’est pas l’image que la ville désirait véhiculer? La première étape de ce projet n’est pas impactée géographiquement par la prison. Car elle s’étend du service automobile de la Blécherette au parc du vélodrome. Le problème se posera pour les prochains plans partiels d’affectation. Ce n’est pas rédhibitoire en tant que tel. Des tas de villes ont des prisons, on vit aussi avec Bois-Mermet depuis longtemps déjà… Mais évidemment, lorsqu’on pense le développement de Lausanne à long terme, il serait plus cohérent de mettre cette infrastructure ailleurs.
Ce sont des réactions de privilégiés, les voix qui se lèvent contre le maintien de la prison en ville et demandent du calme dans leur quartier? Je serais plus nuancé. J’aime défendre la vision d’une ville qui se développe en maintenant une partie de ses activités secondaires. C’est une vraie question qui se pose pour Lausanne, dans le quartier de Sévelin-Sébeillon par exemple. Je suis partisan du maintien des surfaces d’activités artisanales et industrielles. La ville, ce n’est pas que de l’habitat. Il y a une tendance à vouloir chasser des villes toutes les activités qui génèrent des nuisances. On doit pouvoir résister à cela et veiller à préserver une mixité d’activités. On peut aussi travailler à limiter des nuisances et garder de l’emploi diversifié pour ne pas que la ville se tertiarise complètement, ni qu’elle se ghettoïse. Vous me direz: mais alors pourquoi on ne garde pas la prison? C’est un établissement vieillissant, mal adapté aux conditions de détention actuelles; il est plus pertinent de développer une structure pénitentiaire sur un site unique, c’est d’ailleurs la position que l’Etat a jusque-là toujours défendue.
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«C’est un établissement vieillissant, mal adapté aux conditions de détention actuelles»
SYNDIC DE LAUSANNE
«Il y a une tendance à vouloir chasser des villes toutes les activités qui génèrent des nuisances»