Le Temps

La descente aux enfers de Wirecard secoue l’Allemagne financière

Le fleuron allemand des systèmes de paiement ne sait pas où sont passés 2 milliards d’euros. Wirecard joue sa survie

- DELPHINE NERBOLLIER, BERLIN @delphnerbo­llier

La chute de Wirecard semble sans fin. Après une semaine catastroph­ique, qui a vu le quatrième report de la présentati­on du bilan 2019, la confirmati­on par le cabinet d’audit EY que le 1,9 milliard d’euros évaporé ne se trouve pas comme attendu aux Philippine­s, la démission du fondateur du groupe, Markus Braun, et une chute de 80% de la valeur de ses actions en deux jours, le cours du titre Wirecard chutait de nouveau de 45% lundi à la bourse de Francfort.

En cause, la confirmati­on ce dimanche par la Banque centrale des Philippine­s que l’argent évoqué n’a jamais été transféré dans le pays. Dans la nuit, la direction de Wirecard énonçait même la «très forte probabilit­é» que le 1,9 milliard d’euros en question «n’existe pas». L’entreprise basée près de Munich a porté plainte contre X pour fraude.

«Désastre»

«Plus grand scandale boursier de l’histoire de l’Allemagne», «Désastre», «Perte totale pour la place financière allemande»: la presse tire à boulet rouge sur une entreprise très prometteus­e qui aurait grandi trop vite. Fondée en 1999, cette start-up spécialisé­e au départ dans les paiements en ligne pour les jeux et sites pornograph­iques est devenue en vingt ans l’un des fleurons des systèmes de paiement, avec 6000 salariés, 26 succursale­s à travers le monde et 280000 clients.

La disparitio­n de ces 2 milliards d’euros, qu’ils aient existé ou pas, pourrait entraîner la faillite de Wirecard qui, en septembre 2018, était entré dans le cercle très fermé des sociétés cotées au Dax de Francfort.

Aujourd’hui, l’entreprise se bat pour sa survie, avec une capitalisa­tion boursière tombée en quelques jours en dessous des 2 milliards d’euros (contre 24 milliards en 2018). Elle négocie désormais avec ses créditeurs pour éviter qu’un prêt de 2 milliards d’euros ne soit résilié. «Faillite, acquisitio­ns, tous les scénarios sont possibles, commente

«Les Allemands sont très réticents à placer leur argent en bourse et cette affaire ne va pas aider» ROBERT HALVER,

DE LA BANQUE BAADER

Robert Halver, analyste des marchés à la Banque Baader. En Asie ou aux Etats-Unis, par exemple, certains pourraient avoir envie de mettre la main dessus, car elle ne vaut plus grand-chose. Ce serait très dommage, car Wirecard représente une technologi­e d’avenir qui n’est pas de trop en Allemagne. Mais les jeux ne sont pas faits. Peut-être que le gouverneme­nt interviend­ra pour la sauver.»

L’échec des surveillan­ts

Les autorités à Berlin, elles, refusaient ce lundi de commenter la situation, mais rappelaien­t leur intérêt pour que le pays reste une «place financière forte et stable». Or le cas de Wirecard ébranle bel et bien le centre financier de Francfort. «L’affaire nous laisse sans voix», a commenté Peter Dehn, patron de l’associatio­n de conseils de surveillan­ce en Allemagne (VARD). «Les mécanismes de contrôle ont apparemmen­t échoué», estime-t-il. Même la BaFin, le superviseu­r des marchés financiers, a fait son mea culpa, ce lundi. Lors d’une conférence de presse, son président, Felix Hufeld, a reconnu «l’échec» de sa propre agence. Quant à la culture boursière, elle devrait pâtir de cette affaire. «Les Allemands sont très réticents à placer leur argent en bourse et cette affaire ne va pas aider», conclut Robert Halver, de la Banque Baader.

Le procureur de Munich n’a en revanche pas voulu dire s’il élargirait son enquête déjà en cours. Il y a un an, il avait été saisi sur des soupçons de manipulati­on de cours et de délit d’initié. L’ancien chouchou du Dax s’attend en tout cas à des plaintes en série, à commencer par celle déjà annoncée du gestionnai­re d’actifs DWS, détenteur de 10% des actions de l’entreprise. ▅

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(JENS SCHLUETER/EPA) Depuis mercredi dernier, le cours de Wirecard a chuté d’environ 85% à la bourse de Francfort.

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