L’Allemagne au secours de l’apprentissage
Le gouvernement allemand a présenté mercredi un projet pour soutenir les entreprises qui maintiennent leurs objectifs en termes d’apprentissage. La crise du coronavirus pose de nombreux défis aux employeurs et aux apprentis
La crise du coronavirus, lourde épreuve pour les employeurs, n’épargne pas la formation des apprentis. Le gouvernement allemand a présenté mercredi un projet pour inciter financièrement les entreprises touchées à maintenir leurs objectifs en termes d’apprentissage. L’enveloppe se chiffre à 500 millions d’euros pour la période 2020 et 2021. En Suisse aussi, face au recul des contrats d’apprentissage, plusieurs cantons allouent un soutien financier aux entreprises formatrices. Et une task force a été créée au niveau national.
Inciter financièrement les entreprises touchées par la crise du Covid-19 à poursuivre la formation des apprentis en cette période de turbulences: voilà l’idée centrale du projet de loi présenté mercredi en Allemagne, par les ministres réunis en conseil. Berlin souhaite entre autres soutenir les employeurs qui maintiennent leur nombre d’apprentis, avec une prime de 2000 euros par nouveau contrat signé cette année. La somme atteindra les 3000 euros s’ils embauchent davantage que durant les trois dernières années.
Cette enveloppe, qui se chiffre au total à 500 millions d’euros (environ 534 millions de francs) pour la période 2020 et 2021, s’adresse aux entreprises de moins de 249 salariés et vise à «stabiliser» le système dual, fleuron de la formation professionnelle nationale, mis à mal par la crise. Alliant formation théorique et pratique dans les entreprises, ce système a durant des décennies limité le chômage des jeunes et permis de former des générations d’ingénieurs et de techniciens à la base de la réussite de l’industrie allemande. Or la crise actuelle le fragilise, tout comme les 1,3 millions de jeunes qui effectuent actuellement une formation en alternance. «Ce plan est un pas important, car les apprentis d’aujourd’hui sont les professionnels de demain. Il ne faut pas les oublier», a déclaré le ministre de la Santé, Hubertus Heil.
La mise à l’arrêt de l’économie et l’incertitude des mois à venir ont entraîné, en mai, une chute de 8% des nouveaux contrats d’apprentissage. Même si cette baisse reste limitée, les professionnels s’inquiètent. «Un krach lié au coronavirus sur le marché de la formation doit être évité sinon la fracture sociale risque de s’aggraver», estimait en mai Elke Hannak, vice-présidente de la Fédération allemande des syndicats (DGB).
Formations suspendues, rencontres annulées
Les inquiétudes sont réelles dans la restauration, l’hôtellerie et les services frappés par le confinement, mais aussi dans les entreprises qui ont pu continuer à travailler. «Nous avons effectué une enquête auprès de nos membres», explique Andreas Koch-Martin, président de la Chambre des métiers du sanitaire et du thermique à Berlin. «Si la majorité dit vouloir maintenir ses objectifs de formation, et si environ 10% veulent même les augmenter, un nombre non négligeable veut réduire la voilure. Cela m’inquiète», avoue-t-il.
Sur le terrain, le confinement a affecté apprentis et formateurs de plusieurs manières, entre des formations mises entre parenthèses, voire annulées, et des difficultés financières pour ces jeunes sans activité. Sans parler des cours théoriques suspendus puis effectués en ligne, pas toujours de manière efficace. «L’autre problème majeur est l’annulation des salons et rencontres dans les écoles avec les jeunes qui, au printemps, nous permettent de recruter de nouveaux candidats», ajoute Andreas Koch-Martin. «Nous risquons de perdre une année de formation», craint-il. Si la plupart des organisations professionnelles multiplient les approches pour atteindre les candidats potentiels – entre speed dating sur internet et campagne de publicité – le problème persiste.
Pénurie de candidats
Dans ce contexte, les aides du gouvernement destinées aux entreprises pourraient avoir une efficacité limitée. «Elles ne me serviront à rien», nous confirme la gérante d’un cabinet de prothèses auditives à Berlin. «Mon problème est le même depuis des années, avec ou sans coronavirus: je ne trouve pas d’apprentis!» constate-t-elle. Du fait d’une population vieillissante, qui réduit le nombre de candidats, et la volonté de plus en plus répandue de passer son baccalauréat au détriment des voies professionnelles, 50000 places de formation restent vacantes chaque année.
Mardi, le président de la République en personne s’est saisi du dossier. «Engagez-vous!» a lancé Frank-Walter Steinmeier en direction des entreprises. «Candidatez!» a-t-il ajouté en direction des jeunes. «Notre système dual est une grande force. Prenons-en soin en cette période de crise», a-t-il conclu.
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