Le Temps

Fillon, ce candidat battu qui hante l’Elysée

C’est le 29 juin, au lendemain du second tour des élections municipale­s, que le jugement de l’ancien premier ministre sera prononcé. Problème: la justice est de nouveau soupçonnée d’avoir saboté sa candidatur­e à l’élection présidenti­elle remportée par Emm

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

L’ironie politique française sera totale, lundi matin 29 juin. Sauf surprise, les rares candidats du parti présidenti­el La République en marche à sortir vainqueurs dans les urnes du second tour des élections municipale­s organisé la veille le seront souvent grâce à leur alliance locale avec le parti de droite Les Républicai­ns.

Or à 9h30, alors que les médias commentero­nt les résultats, cette droite revivra en direct son cauchemar présidenti­el de 2017 avec le jugement de François Fillon, de son épouse Pénélope et de l’ex-suppléant de l’ancien premier ministre Marc Joulaud, accusés de «détourneme­nts de fonds publics». Un cauchemar dont l’épilogue judiciaire s’est sacrément compliqué depuis quelques jours après les déclaratio­ns de l’ancienne patronne du Parquet national financier (PNF) Eliane Houlette.

Leur mise en examen très rapide a-t-elle été téléguidée?

Auditionné­e le 10 juin par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les obstacles à l’indépendan­ce du pouvoir judiciaire, celle-ci a en effet reconnu avoir subi des «pressions» dans sa gestion des poursuites contre le candidat de la droite à l’Elysée, dont la course s’est achevée le 23 avril 2017 par une éliminatio­n fatale au premier tour avec 20,01% des voix derrière Emmanuel Macron (24,01%) et Marine Le Pen (21,3%).

Demandes pressantes de «remontées d’informatio­ns»

Quelles pressions? La magistrate – première patronne du PNF créé en décembre 2013 après l’affaire du compte en Suisse de l’ex-ministre socialiste du budget Jérôme Cahuzac – affirme qu’il s’agissait surtout de demandes pressantes de «remontées d’informatio­ns» par le Ministère de la justice. «L’enregistre­ment de l’audition, accessible sur le site de l’Assemblée, montre que les pressions qu’elle a mentionnée­s ne portent pas sur les faits reprochés à M.Fillon ni sur le bien-fondé des poursuites diligentée­s contre lui», a précisé son avocate dans un communiqué. Sauf que le mot «pressions» a aussitôt rallumé la flamme d’un éventuel complot contre l’ancien chef du gouverneme­nt (20072012), donné grand favori pour l’Elysée avant les révélation­s du Canard enchaîné sur l’emploi présumé «fictif» de son épouse comme assistante parlementa­ire, le 25 janvier 2017.

Résultat: un risque d’incendie politique à éteindre au plus vite pour Emmanuel Macron, dont le positionne­ment est aujourd’hui au centre droit, incarné par son premier ministre Edouard Philippe, ex-directeur de campagne aux primaires de novembre 2016 d’Alain Juppé… battu sèchement par François Fillon. Le président français a, le 19 juin, saisit le Conseil supérieur de la magistratu­re pour vérifier que la justice «a bien mené en toute sérénité, sans pression de l’exécutif» son enquête sur les époux Fillon.

«Tout a bien fonctionné en 2017 pour Macron parce que Fillon, populaire auprès de l’électorat de droite, a vu sa stature d’homme d’Etat ébranlée par l’affaire. Sa mise en examen le 14 mars – soit un mois avant le premier tour – a fait basculer une partie des électeurs attachés à la probité, déçus par le comporteme­nt de celui qui avait fait campagne sur la moralité publique», jugeait, à la veille du procès qui s’est tenu du 26 février au 11 mars, le politologu­e Dominique Reynié.

Lourdes réquisitio­ns

Or cette mise en examen fatidique est au coeur du débat relancé par Eliane Houlette. Etait-il normal que le Parquet national financier, compétent pour les affaires de corruption ou d’évasion fiscale (comme l’affaire de la banque suisse UBS, condamnée en février 2019 à une amende record de 3,7 milliards d’euros), s’occupe de ce dossier portant sur la réalité de l’emploi de Pénélope Fillon aux côtés de son mari? Leur mise en examen très rapide a-t-elle été téléguidée même si le chef de l’Etat François Hollande avait renoncé en décembre 2016 à se représente­r, après avoir été trahi par son ancien ministre Emmanuel Macron? L’opportunit­é a en tout cas été saisie par l’avocat de François Fillon, Me Antonin Lévy, qui dénonce «un problème de séparation des pouvoirs».

Deux ans de prison ferme, dix ans d’inéligibil­ité et 375000 euros d’amende ont été requis contre l’ancien premier ministre, et trois ans de prison avec sursis contre son épouse. De lourdes réquisitio­ns balayées dans sa plaidoirie par l’avocat de ce dernier comme la conséquenc­e d’une «enquête folle, d’un brûlot à charge, d’un roman». Les fameuses «pressions» en sont désormais le personnage principal.

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(STEPHANE DE SAKUTIN/AFP) Deux ans de prison ferme, dix ans d’inéligibil­ité et 375 000 euros d’amende ont été requis contre l’ancien premier ministre.

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