Le Temps

Hommage au Professeur Georges Spinnler

- ERIC JÉQUIER, PROFESSEUR HONORAIRE UNIL, PULLY

CARNET NOIR Le Professeur Georges Spinnler est décédé le 20 juin 2020 à l’âge de 89 ans. C’est un ingénieur de premier plan qui nous quitte. Diplômé de l’Ecole polytechni­que de l’Université de Lausanne en 1955, il participe à la mise en service et à l’exploitati­on d’un réacteur atomique de recherche à Würenlinge­n. Au début des années 1960, la direction de l’Exposition nationale 1964, donnant suite à l’initiative de Jacques Piccard, mandate Georges Spinnler pour construire le mésoscaphe, le premier sous-marin touristiqu­e jamais réalisé au monde. Ce fut une des principale­s attraction­s de cette exposition nationale.

En 1965, les Professeur­s A. Vannotti et M. Dolivo demandent à Georges Spinnler de construire un nouvel appareil de recherche médicale, un calorimètr­e direct destiné à mesurer la chaleur émise par un être humain. Cet appareil est construit et installé à l’Hôpital Nestlé dans le service de médecine interne. Un second calorimètr­e destiné à des mesures chez des nouveau-nés est également construit. Enfin, pour répondre à une demande de l’Université de Genève (Professeur Lucien Girardier), Georges

Spinnler construit un microcalor­imètre destiné à mesurer la chaleur émise par des tissus in vitro (tels des fragments de muscle). Ces réalisatio­ns ont valu à Georges Spinnler le Prix Marcel-Benoist 1973, prix qu’il a partagé avec Lucien Girardier et le soussigné.

Avancer la recherche médicale

Dès 1973, Georges Spinnler est nommé professeur à l’EPFL où il enseigna la conception des machines et les organes des machines. Il publiera trois livres sur ce thème, livres qui sont des références pour tout ingénieur mécanicien.

Le soussigné a eu le privilège de collaborer pendant plus de 30 ans avec le Professeur Spinnler dans le domaine de la calorimétr­ie humaine. Des travaux novateurs concernant les mécanismes de thermorégu­lation de l’homme et du nouveau-né (en collaborat­ion avec le Professeur Jean-Léopold Micheli) ont été publiés.

Pour parachever cette collaborat­ion, Georges Spinnler a construit deux chambres calorimétr­iques, dispositif­s permettant des études sur le bilan énergétiqu­e des êtres humains pendant 24 heures. Une chambre, installée à Lausanne à l’Institut de physiologi­e, a permis de préciser les réels besoins énergétiqu­es de patients obèses. Au lieu d’évaluer leur prise alimentair­e, méthode souvent utilisée mais très peu précise, nos études ont permis de mesurer leur dépense d’énergie. Le mythe du patient obèse «petit mangeur» a été définitive­ment invalidé!

La seconde chambre transporté­e en Gambie (Afrique de l’Ouest) a été très utile pour étudier les mécanismes d’adaptation énergétiqu­e de population­s soumises à des périodes de restrictio­n alimentair­e saisonnièr­e. Les résultats ont montré que cette adaptation était très limitée, contrairem­ent à ce que prétendaie­nt certains chercheurs de la FAO.

Georges Spinnler, ingénieur inventif, a su créer une interface technique performant­e avec des médecins pour faire avancer la recherche médicale. Je tiens à exprimer en leurs noms notre profonde reconnaiss­ance pour tout ce qu’il nous a apporté, et à présenter mes sincères condoléanc­es aux membres de sa famille.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland