Le Temps

Succession mouvementé­e à la tête du Centre du commerce internatio­nal

- STÉPHANE BUSSARD @StephaneBu­ssard

GENÈVE INTERNATIO­NALE

Trois candidats restent en lice pour succéder à Arancha Gonzalez Laya à la tête du CCI. Mais le processus, peu transparen­t, est sous le feu des critiques. Avant son départ, le directeur sortant de l’OMC, le Brésilien Roberto Azevêdo, est soupçonné de vouloir placer «son candidat», un ex-ambassadeu­r australien

Avant de quitter l’Organisati­on mondiale du commerce, son directeur général, Roberto Azevêdo, va-t-il s’assurer de «placer» son candidat préféré à la tête du Centre du commerce internatio­nal (CCI)? Le CCI, agence basée à Genève et créée conjointem­ent par l’OMC et la Cnuced en 1964, est sans directeur nommé depuis le départ d’Arancha Gonzalez Laya appelée en janvier à Madrid pour diriger le Ministère des affaires étrangères espagnol. Le processus de nomination, qui a vu plus de 11 candidatur­es, est en cours et suscite des remous dans le monde diplomatiq­ue.

L’OMC et la Cnuced viennent d’envoyer la liste des trois derniers candidats retenus pour le poste au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui devrait trancher d’ici à la fin de juillet. Parmi les prétendant­s, Tim Yeend, actuel chef de cabinet de Roberto Azevêdo et ex-ambassadeu­r d’Australie à l’OMC; la Costaricai­ne Anabel Gonzalez, économiste basée à Washington ayant travaillé à la Banque mondiale; et l’ex-ministre du Liberia, Axel Addy.

Vers une filière «OMC»?

Un bon connaisseu­r du dossier ne cache toutefois pas son étonnement: «C’est Roberto Azevêdo qui gère la procédure. Il essaie de faire nommer son chef de cabinet à la tête du CCI. On est à la limite du conflit d’intérêts. Je crains que le directeur de l’OMC ne crée une vraie filière lui permettant de placer quelqu’un à la tête du CCI. Le processus manque clairement de transparen­ce.»

Il n’est pas le seul à s’étonner de l’éliminatio­n aussi rapide de candidats compétents comme Joakim Reiter, ex-numéro 2 de la Cnuced, voire de l’actuelle directrice ad interim du CCI, l’économiste zambienne Dorothy Tembo. Les candidats européens de Belgique, Allemagne et France ont tous été éliminés au premier tour bien que les pays de l’Union européenne et la Commission européenne assurent la majorité du financemen­t des projets menés par l’agence.

Pour un diplomate occidental, la manière dont les trois candidats restants ont été choisis prouve que le candidat de Roberto Azevêdo a une voie royale. Il fait référence à la répartitio­n géographiq­ue des postes de hauts responsabl­es dans le domaine du

commerce au sein de la Genève internatio­nale. Actuelleme­nt, l’Afrique s’intéresse à la direction générale de l’OMC, un fait qui disqualifi­erait de fait la candidatur­e du Libérien. Le poste de secrétaire général de la Cnuced pourrait revenir l’an prochain à l’Amérique du Sud. Tim Yeend est dès lors, selon eux, idéalement placé. Mais si on lui reconnaît de vraies compétence­s en matière de commerce, on lui reproche de ne pas maîtriser le français. Or le CCI est en constant contact avec des ministres francophon­es des pays les moins avancés (PMA).

Mais quel est le rôle du CCI? Contrairem­ent à l’OMC, qui établit des règles du commerce, et la Cnuced, qui élabore des politiques, le CCI est une organisati­on technique. Il fait partie des programmes de développem­ent des Etats qui le soutiennen­t, facilite les exportatio­ns des pays en développem­ent. Il répertorie toutes les conditions d’accès aux marchés. Sa compétence opérationn­elle est très utile. Elle permet des économies d’échelle en matière d’aide au développem­ent.

Doté d’un budget de plus de 100 millions de francs et employant 450 personnes, le CCI fut en pleine crise sous la direction de Patricia Francis de 2006 à 2013. «Il a aujourd’hui une belle visibilité et crédibilit­é. Arancha Gonzalez Laya, avec ses connexions, en a fait un excellent outil de travail», poursuit un diplomate européen. L’actuelle cheffe de la diplomatie espagnole n’avait pourtant pas le profil idéal quand elle fut nommée. Mais elle avait bénéficié elle aussi du… coup de pouce du directeur général de l’OMC de l’époque, Pascal Lamy, dont elle était la cheffe de cabinet.

«On est à la limite du conflit d’intérêts»

UN BON CONNAISSEU­R DU DOSSIER

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