Le Temps

Aidez ce robot à trouver son chemin sur Mars

ASTRONOMIE La NASA a mis en ligne un outil qui permet au public de classer des photos de sol martien. Les données alimentent une intelligen­ce artificiel­le qui apprend ainsi à guider automatiqu­ement le rover Curiosity

- HUGO RUHER t@HugoRuher

SCIENCE PARTICIPAT­IVE La NASA a mis sur pied un outil en ligne permettant à tout un chacun de classer des images du sol martien en fonction de sa nature (sable, pierre, etc.). Ces données sont ensuite fournies à une intelligen­ce artificiel­le qui aide le rover Curiosity à s’orienter sur la planète rouge.

Lorsque le rover américain Curiosity arpente la surface de Mars, à 80 millions de kilomètres, ce sont des petites mains humaines qui lui indiquent quelle direction prendre. Depuis le Jet Propulsion Laboratory (JPL) à Los Angeles, les pilotes n’ont ni volant ni manette mais doivent rentrer une ligne de commande qui va déterminer le trajet que le robot prendra pour les prochaines 24 heures. La tâche n’a rien d’une sinécure: il faut guider Curiosity à travers les cailloux, éviter les crevasses, progresser sur des sols durs comme meubles… Ils doivent donc identifier tout ce qui se trouve sur son chemin et ne surtout pas se tromper et provoquer un accident martien.

Sable, gravillons, rochers

Et c’est pour les soutenir dans cette tâche que le JPL a demandé l’aide du grand public. Mi-juin, le laboratoir­e de la NASA a lancé AI4Mars, un outil en ligne permettant aux internaute­s de classer des photos de sol martien en fonction de sa nature: pierres, sable, etc. Les données classées par les humains nourrissen­t ensuite un programme informatiq­ue basé sur une forme d’intelligen­ce artificiel­le qui apprend ainsi à reconnaîtr­e seul le type de sol qui se présente devant Curiosity.

«Comme un étudiant, un algorithme a besoin de professeur, assure Hiro Ono, spécialist­e de l’intelligen­ce artificiel­le chargé du projet. Nous demandons donc aux gens de devenir les professeur­s de notre programme.»

C’est le principe de la science participat­ive, faire intervenir le grand public dans la production scientifiq­ue. La plateforme Zooniverse accueille ce projet, tout comme de nombreux autres programmes dédiés à l’astronomie, la botanique ou la médecine. Ici, ce qui est demandé aux volontaire­s est assez simple, faisable «à partir de 8 ans», promet Hiro Ono: il suffit de tracer des polygones sur une photo du sol martien et de dire s’il s’agit plutôt de sable, de gravillons, ou de rochers.

A force d’analyser ces réponses, l’algorithme pourra les trouver seul. Mais avant, il lui faut un grand nombre d’exemples. «C’est du machine learning, précise Daniel Gatica-Perez, professeur à l’institut de recherche Idiap à Martigny. L’ordinateur doit apprendre ce qu’est du sable, un avion ou un chat. Mais les humains doivent le guider.»

Car si les ordinateur­s peuvent traiter une grande quantité de données, il leur manque quelques qualités humaines comme l’intelligen­ce, la subtilité ou la capacité à contextual­iser. Autant de compétence­s nécessaire­s quand il s’agit d’identifier une image avec précision. «Les humains sont supérieurs en bien des aspects, ajoute Hiro Ono, et si tout le monde s’y met, avec 100000 itérations [exemples], le programme pourra ensuite agir seul.»

Aujourd’hui pourtant, la science participat­ive peut souvent être remplacée par une simple recherche Google. Il existe sur internet une telle quantité d’images d’avions par exemple qu’un algorithme n’a qu’à éplucher le tout pour apprendre ce

«Nous demandons aux gens de devenir les professeur­s de notre programme» HIRO ONO, SPÉCIALIST­E DE L’INTELLIGEN­CE ARTIFICIEL­LE À LA NASA

qu’est un avion sans avoir à passer par une interventi­on humaine. En revanche, il y a très peu d’images du sol martien, et c’est pourquoi l’apport humain est nécessaire. Pour Hiro Ono, le domaine spatial a tout particuliè­rement besoin de soutien de ce genre: «Dès qu’il faut faire du machine learning, nous sommes régulièrem­ent confrontés au manque de données. En revanche, les personnes voulant participer à une mission de la NASA sont nombreuses et il faut en profiter!»

Point corroboré par Daniel Gatica-Perez: «Par définition, les chercheurs veulent repousser les limites de la connaissan­ce. Il y aura donc toujours de nouvelles bases de données à créer; et toujours besoin d’humains pour les alimenter. En plus, nous constatons que le public est très demandeur pour participer à de telles expérience­s. Il y a l’aspect ludique et il y a l’intérêt altruiste.»

Avec AI4Mars, les quelques minutes de temps offertes par chacun des participan­ts libéreront des heures de travail aux conducteur­s du JPL, qui pourront se concentrer sur d’autres aspects de leurs missions. Un développem­ent crucial alors que se prépare le lancement d’un autre rover, Perseveran­ce, bien décidé à ratisser un maximum de surface sur la planète rouge à la recherche de formes de vie. ▅

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(NASA) Le futur rover martien Perseveran­ce, cinquième du genre.

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