Un ex-oligarque démasque les filles de Poutine
Le président russe a toujours été très discret sur sa vie privée. L’un de ses anciens amis a levé un coin du voile
En Russie, tout le monde sait qui sont les deux filles de Vladimir Poutine, mais personne n’a le droit d’en parler. Mardi, un ex-oligarque russe aujourd’hui exilé en France a déballé sur son site internet quelques photographies issues de ses archives personnelles, montrant deux adolescentes en compagnie de ses propres fils et de vedettes du showbiz russe. Les légendes des clichés, pris au début des années 2000, mentionnent «Maria et Katia Poutine». Leur ressemblance avec Maria Vorontsova (35 ans) et Ekaterina Tikhonova (33 ans), deux personnalités montantes de la recherche scientifique, ne laisse guère de place au doute. Pourtant, les médias russes n’en ont pas dit un mot, à l’exception d’une poignée de journaux bien ancrés dans l’opposition.
«Vladimir Poutine a toujours isolé avec la plus grande vigueur sa vie privée. Publier des informations à ce sujet est interdit en Russie», souligne le politologue Fiodor Krasheninnikov. Encore l’année dernière, lorsqu’une journaliste de la BBC a sans détour demandé au président, lors d’une conférence de presse, de dissiper les rumeurs autour de «Mmes Vorontsova et Tikhonova», ce dernier a botté en touche. En 2008, le quotidien russe qui avait osé publier un article révélant la romance du président russe avec une gymnaste médaillée olympique avait immédiatement cessé de paraître.
C’est sans doute par dépit que Sergueï Pougatchev, un homme d’affaires en conflit ouvert avec le Kremlin, a brisé le tabou. La veille, il venait d’être débouté par un tribunal madrilène devant lequel il réclamait quelque 14,5 milliards de dollars à la Russie. Grand barbu à la mine austère, l’homme fut dans les années 1990-2010 l’un des oligarques les plus influents et les plus craints. Ses photographies d’archive montrent qu’il était aussi très lié personnellement à Vladimir Poutine. Jusqu’à ce qu’il tombe en défaveur par excès d’ambition et d’appétit pour les usines d’armement. Entre 2010 et 2015, il a été exproprié de tous ses actifs russes, et même brièvement placé sur la liste des personnes recherchées par Interpol. Veut-il aujourd’hui défier son ancien ami en le menaçant de déballer davantage de secrets?
De brillantes représentantes de la jeune garde scientifique
La sauce médiatique n’a pas pris. Les deux filles du président conservent l’image que donne d’elles la télévision d’Etat russe, c’est-à-dire de brillantes représentantes de la jeune garde scientifique. On sait d’Ekaterina Tikhonova qu’elle est née à Dresde en 1986 (lorsque son père y était en poste pour le KGB) et qu’elle est, ou a été, l’épouse du milliardaire Kirill Shamalov, fils d’un vieil ami de Vladimir Poutine. Les médias officiels la présentent comme la sémillante directrice d’Innopraktika, un fonds d’investissement de 2 milliards de dollars visant à la création d’un centre scientifique au sein de l’Université d’Etat de Moscou (MGU). Elle devient le visage des efforts russes dans le domaine de l’intelligence artificielle.
Sa soeur aînée, Maria Vorontsova, dont il a longtemps été impossible de trouver des photographies, est diplômée de biologie et mariée à un homme d’affaires hollandais. Aujourd’hui présentée comme conseillère du président pour l’ingénierie génétique, elle conduit des recherches sur le cancer et sur l’ADN et a la responsabilité de monter un nouveau centre de recherche spécialisé dans l’endocrinologie.
L’image flatteuse des deux dames donnée par la télévision a donné naissance au scénario qu’elles seraient préparées à jouer un rôle politique majeur. Rumeur trompeuse, selon Fiodor Krashenennikov. «L’élite politique russe est trop patriarcale pour donner un rôle majeur à des femmes. D’autant plus que la promotion des filles de dictateurs n’a pas marché dans les ex-républiques soviétiques d’Asie centrale. La société russe n’admet pas ce type de piston, cela ruinerait l’image de Poutine, qui veille à donner celle d’un homme sans vie privée, entièrement dédié à son pays. Tout au plus se voient-elles confier des projets auxquels Poutine tient et où il veut placer des personnes de confiance. Car plus il vieillit, moins il fait confiance à son entourage.»
«Poutine sera bientôt contraint d’admettre leur identité», estime Tatiana Stanovaya, politologue et directrice du cabinet d’expert R.Politik. «Il est trop tôt pour dire qu’elles jouent un rôle politique. Mais elles ont une influence au sein de l’élite. Elles s’ancrent dans le paysage, deviennent des institutions, nouent des relations et accumulent de l’expérience. Elles deviennent des pôles d’attraction politique.»