«Les framboises suisses sont des fruits délicats»
A Denges (VD), le domaine de Christophe Borboën est spécialisé dans la culture des petits fruits depuis vingt ans. Aujourd’hui, sa production de fraises et de framboises compte parmi l’une des plus importantes du canton.
Avis aux becs sucrés, aux fanatiques de tartelettes aux framboises, aux adeptes de fraises-chantilly: le domaine de Christophe Borboën est un lieu de perdition. Le royaume des petits fruits est planté au coeur du village de Denges, dans le canton de Vaud. «En ce moment, c’est la folie. On est en pleine récolte des fraises, on tourne à plein régime sur le domaine», précise le producteur de 49 ans. Celles qui ne patientent pas déjà dans leurs barquettes en attendant leur expédition finissent de rougir au soleil en plein champ.
Deuxième plus grand producteur du canton, Christophe Borboën cultive 1,9 hectare de fraises, l’équivalent de près de 40 tonnes annuelles. Quarante mille kilos de fruits aussi délicieux que délicats, cueillis exclusivement à la main et conditionnés dans des barquettes de 500 grammes. «On compte généralement 2000 heures de travail à l’hectare rien que pour la récolte», poursuit le cultivateur, qui triple sa main-d’oeuvre entre mi-mai et mi- juillet. Les framboises sont encore plus gourmandes, avec près de 2500 heures à l’hectare. Christophe Borboën en fait pousser environ 13 tonnes par année, l’une des plus grosses productions du canton.
Les petits fruits, le cultivateur vaudois est tombé dedans il y a près de quarante ans, lorsque son père, alors à la tête du domaine, plantait les premiers fraisiers d’une (très) longue série. Mais l’histoire du domaine avait démarré bien avant. «Ma famille est établie à Denges depuis cinq générations. Au début, la ferme était au milieu du village, dans le vieux bourg», explique Christophe Borboën.
En 1948, son grand-père acquiert l’habitation actuelle et fait construire la grange. A l’époque, l’activité de l’exploitation est très diversifiée. Il y a des chevaux, des vaches laitières, des cultures maraîchères et fruitières, de la vigne. Quand son père rejoint le domaine familial, il arrête peu à peu les légumes, la vigne et les vaches laitières pour se concentrer sur les fruits, les grandes cultures et le bétail à l’engraissement. «Il y a eu jusqu’à une centaine de bêtes ici», se souvient Christophe Borboën. Sans réelle nostalgie toutefois. «Le bétail, ce n’était pas franchement mon truc», admet-il aujourd’hui. Les derniers bovins ont quitté le domaine au début des années 2000, peu avant que l’exploitation familiale ne se spécialise dans les petits fruits.
Formé à l’école de commerce, il seconde son père sur l’exploitation en 1991, après que celui-ci s’est cassé la jambe, puis part bourlinguer six mois aux Etats-Unis. «C’est à mon retour que j’ai réalisé à quel point j’aimais ce boulot à la ferme», confie-t-il. Christophe Borboën entreprend alors une formation agricole à Marcelin, enchaîne avec une patente en arboriculture fruitière et une maîtrise. Associé à son père pendant une dizaine d’années, il a repris les rênes de l’exploitation il y a six ans et vit sur le domaine avec son épouse, Saskia, logopédiste, et leurs trois enfants, Jonas, 16 ans, Mathias, 13 ans, et Ludivine, 6 ans.
En dehors des fraises et des framboises, Christophe Borboën cultive aussi des pommes, des pruneaux et de la vigne. Une production qu’il écoule en grande partie au centre fruitier de Perroy. Le reste est vendu à des particuliers et auprès de sa fidèle clientèle du marché du boulevard de Grancy, à Lausanne, où sa mère tient un stand les lundis et jeudis.
Le producteur, lui, s’occupe de la partie technique de l’entreprise, de l’administratif et du commercial. Ce qu’il aime le plus dans son métier? «La diversité. Je touche à tout. A l’agriculture, à la mécanique, à la vente.»
Engagé dans la défense professionnelle comme président de l’Union fruitière lémanique, Christophe Borboën milite pour une meilleure valorisation de la production auprès de la grande distribution. «Le prix des fraises à la production n’a pas bougé depuis 2000, alors que les charges n’ont cessé d’augmenter. En plus de cela, les cantons de Vaud et de Genève pratiquent des salaires agricoles mensuels entre 300 et 400 francs supérieurs à ceux de l’Union suisse des paysans, ce qui crée un déséquilibre avec les producteurs alémaniques, plus rentables que les producteurs romands.»
Un phénomène qui tend à faire diminuer depuis quelques années le nombre de producteurs de fraises genevois et vaudois. «Tant qu’on ne pourra pas mieux valoriser nos produits auprès de la grande distribution, l’avenir ne sera pas clair», assure Christophe Borboën. Il rappelle que cette dernière représente près de 70% de la production suisse. Et concerne donc l’immense majorité des consommateurs qui ont la chance de déguster ces précieux petits fruits suisses chaque année.