Le Temps

Le sport engagé dans la lutte du pouvoir et de l’influence

- RAY LALONDE / ALCOS* Consultant indépendan­t en management du sport.

Un mois après la mort tragique de George Floyd à Minneapoli­s des foules continuent de descendre dans les rues. Contrairem­ent aux centaines de cas de profilage racial, d’injustice sociale et de brutalité policière chaque année aux EtatsUnis, ce cas-ci aura été le «tipping point», le cas de violence de trop. Le monde du sport s’est très vite mobilisé, en commençant par quelques grands noms comme LeBron James, Steph Curry, Michael Jordan, Magic Johnson et Patrick Mahomes.

Ces champions ont une énorme influence à l’échelle mondiale grâce aux médias sociaux, sur lesquels ils peuvent positionne­r leurs messages de manière percutante sur des sujets précis. Ils ont également contribué financière­ment aux organismes de lutte contre les abus et d’aide aux familles des victimes. Jordan et son entreprise Jumpman23 contribuer­ont pour 100 millions de dollars au cours des dix prochaines années. Nike, Adidas et plusieurs grandes marques ont confirmé des dons très généreux. Et la NFL investira 250 millions sur les dix prochaines années.

Reste que ces inégalités et les évènements qui en découlent ne datent pas d’hier et ont déjà déclenché de nombreuses réactions de sportifs par le passé. De Jesse Owens, indifféren­t face à Hitler, raflant quatre médailles d’or aux JO de Berlin en 1936, à Tommie Smith et John Carlos levant leur poing ganté de noir aux JO de Mexico en 1968, en passant par Jackie Robinson, en 1947, devenu le premier Noir américain à évoluer au baseball MLB après des décennies de discrimina­tion et d’oppression. En 1967, Mohamed Ali refusa de se joindre aux forces armées américaine­s pour la guerre du Vietnam. Il fut condamné par un juge fédéral et banni de la boxe pendant quatre ans.

Plus récemment, Colin Kaepernick, le quarterbac­k des San Francisco 49ers, manifestai­t déjà en 2016 contre l’injustice sociale et les agissement­s des policiers envers les Noirs américains. En début de saison NFL, il avait mis un genou à terre durant l’hymne national et avait expliqué son geste comme une forme non violente de protêt contre l’abus de pouvoir des policiers. Il fut littéralem­ent le visionnair­e de cette cause mais avait été immédiatem­ent rejeté et isolé par la NFL pour son geste. Depuis la saison 2016, Kaepernick n’a plus reçu d’offre de contrat. Aujourd’hui, le pays constate à quel point il avait vu juste en 2016. Aujourd’hui LeBron James crée More Than a Vote avec des joueurs anciens et actifs de la NBA dans le but que les Afro-Américains fassent entendre leurs voix et votent. Il ne fait aucun doute que lorsque les athlètes les plus iconiques prennent position, le grand public écoute.

L’occasion de s’humaniser

Les tragédies de ces dernières semaines sont emblématiq­ues des problèmes palpables aux EtatsUnis. De nombreux sportifs de la NBA, NFL et NHL connaissen­t leur valeur et leur influence, ils assument leur responsabi­lité et veulent s’impliquer et contribuer à changer la société. C’est aussi pour eux l’occasion de s’humaniser, et de raconter leurs propres histoires d’injustices ou de profilage racial.

Le défi de la société américaine est celui du pouvoir et de l’influence. Et la division est bien perceptibl­e à commencer par la direction à la Maison-Blanche. Le leadership n’est pas présent. On cultive la discrimina­tion et l’affronteme­nt au détriment de l’unité et de la collaborat­ion. C’est une culture de haine qui est mise en avant. On divise au lieu d’unir. Mais pas chez les sportifs. Ceux-ci veulent contribuer à une solution. Leur influence est contagieus­e. Ils sont engagés dans cette cause. Ils parlent d’éducation et de changement­s, et leur message est fort. Black Lives Matter. ▅

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