HARLAN COBEN EN VERSION POLONAISE
L’originalité de «The Woods» tient à sa manière particulière de déployer ses mystères
Netflix montre à la fois un film décrié et une série portée aux nues en Pologne. «The Woods» a une manière particulière de raconter les lointaines conséquences d’un drame
Sur cette place du village audiovisuelle globale qu’est Netflix, la situation de la Pologne est plutôt tumultueuse ces temps. D’un côté, un film décrié; de l’autre, une série portée aux nues. 365 Jours, c’est le film, est présenté comme un genre de 50
Nuances de gris en plus glauque. Une femme est enlevée et va s’amouracher, peu platoniquement, de son ravisseur: ce syndrome de Stockholm érotisant défraie la chronique et est même décrit comme une honte nationale par certains – d’autant que sa présence sur la plateforme américaine étend sa visibilité au monde.
La série, elle, est bien mieux cotée. Elle le mérite:
The Woods constitue une intéressante démarche narrative. Adaptation d’un roman de Harlan Coben qui se déroulait au New Jersey, elle transpose l’intrigue en Pologne, entre les années 1990 et aujourd’hui. Dans la première période, le drame dans les bois. Durant une soirée dans une colonie de vacances, le personnage principal, jeune surveillant, s’échappe un moment avec sa petite amie, parmi les arbres. Ils entendent un cri. Le lendemain, on découvre un corps, et on note la disparition de trois autres jeunes – dont la soeur du surveillant, qui ne sera pas retrouvée, de même qu’un des garçons.
De nos jours, le jeune homme est devenu procureur. Il enquête sur le viol présumé d’une jeune femme à l’encontre de laquelle les éléments à charge s’accumulent. Il semble en faire une croisade, contre les avis de son entourage, et malgré les pressions. En parallèle, un corps est retrouvé, qui pourrait être celui de l’autre jeune homme disparu naguère, pendant la colonie de vacances, dans les bois…
PRESSE POLONAISE ENTHOUSIASTE
Courrier international récemment résumé quelques avis de la presse polonaise, enthousiaste: pour un site, après les «insuffisamment bonnes» série 1983 ou The Witcher, «il a fallu attendre Dans
les bois pour avoir de nouveau foi dans la capacité de Netflix à secouer positivement notre marché en matière de production de séries». Un autre critique relève que «le style est très occidental, cela ne plaira peut-être pas à tout le monde, mais cela participe à la grande qualité de la réalisation».
La série devrait sa qualité aux standards de Netflix. L’argument est un peu surfait. La production polonaise n’a pas attendu le géant américain pour montrer sa qualité, songeons à The Teach (Befler), produite avec Canal+.
UNE NARRATION CROISÉE
L’originalité de The Woods tient à sa manière particulière de déployer ses mystères. C’en est d’ailleurs troublant au début: pendant le premier épisode au moins, il faut s’accrocher, cela n’a rien de simple ni d’évident. Les passages de la période de la colonie de vacances au présent créent des pistes qui se croisent. Les événements de la soirée du drame sont proposés par bribes, il faut un moment pour saisir l’ampleur de ce qui s’est passé dans la forêt. Et les événements du temps actuel ajoutent de nouvelles couches, sans que l’on ne puisse vraiment les relier – durant les premiers chapitres, tout au moins.
Les romans de Harlan Coben se révèlent fréquemment passionnants, mais ils ne reposent pas souvent sur une intense complexité dans leur construction. Agata Malesinska et Wojtek Miłoszewski, les auteurs de The Woods, font le choix de raconter leur suspense d’une manière entrecroisée, tissée avec subtilité, au risque de déconcerter leurs spectateurs. Il en découle une mini-série dont on ne pourra, en tout cas, contester l’originalité.
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