AVEC NICOLAS BOUVIER
Inspiré par l’auteur de «L’Usage du monde», le Genevois Guillaume Gagnière a entrepris un long périple en Asie. Un récit émaillé d’étonnements et placé sous le signe d’une couleur: le blanc
A 26 ans, ses études universitaires terminées et son mémoire sur Nicolas Bouvier en poche, le Genevois Guillaume Gagnière dit être «parti de Suisse un peu comme on arrache un pansement: vite et sans trop réfléchir». Mais pour mieux prendre son temps ensuite. Il voyage pendant une année à travers l’Indonésie, l’Asie du Sud-Est et le Japon. Sans but précis. Lentement. Point culminant de ses pérégrinations asiatiques: une montagne de 776 mètres sur l’île japonaise de Shikoku, dernière étape d’un pèlerinage circulaire de 1200 kilomètres jalonnés de 88 temples. A l’arrivée, après deux mois d’effort, un épais brouillard, du blanc partout et pas d’azur.
Après un an «d’errances et de retraites», il pose son sac exactement là où Nicolas Bouvier s’était échoué une soixantaine d’années plus tôt sur l’île de Ceylan, passant neuf mois à délirer tristement. Dans le sillage du Poisson-scorpion, le jeune voyageur reconnaît à peine les lieux. «En contemplant les façades d’Indigo Street, je constate qu’il ne reste plus grand-chose: la rue du récit, sa rue, a sombré.»
En écho à la blancheur voilant le dernier temple à Shikoku, les murs de la maison et de toute la rue sont blancs, uniformes, anonymes. Il ne reste plus rien des couleurs de 1955, «cannelle, outremer ou saumon mordus par les embruns». La fameuse chambre mansardée n’est, elle, plus accessible.
ÉCRIVAIN EN DEVENIR
«Partir, au fond, ne mène nulle part», en conclut Guillaume Gagnière, mais non sans ouvrir les yeux sur les pages blanches à noircir. «Le blanc, voilà ce que m’offre cette année d’errance: la révélation qu’il me reste encore tout mon âge d’homme à écrire.» Sans jamais faire du Bouvier, suivant au contraire les traces de sa propre musique émondée et sa douce temporalité, ses propres interrogations solitaires aussi, l’écrivain en devenir «ressuscite ces douze derniers mois en vagabondant par les mots», en fragmentant ses images.
Et les toupies dans tout ça? Une dizaine de toupies sri-lankaises achetées pour ramener des souvenirs à ses proches, «tige en métal torsadé, ballon de céramique orné d’une fleur bleue aux étamines en laiton ciselé», trimballées pendant une année avant de découvrir qu’il s’agit en fait de… Ce livre initiatique se termine sur un joli fou rire.