Le Temps

Lâché par les organisate­urs du Salon de l’auto, Palexpo face à un choix cornélien

- RACHEL RICHTERICH @RRichteric­h

Lâché par les organisate­urs du Salon de l’auto, le directeur du centre de congrès genevois, Claude Membrez, se dit «abasourdi» par la nouvelle. Il espère pouvoir pérenniser une manifestat­ion pourtant en perte de vitesse depuis dix ans et ainsi maintenir son entreprise à flot

«On est surpris et abasourdis.» Le directeur de Palexpo, Claude Membrez, accusait le coup au téléphone mardi matin. La veille, les organisate­urs du Salon de l’automobile de Genève (GIMS) annonçaien­t l’annulation de l’édition 2021, le refus d’un prêt de 17 millions du canton et la mise en vente de la manifestat­ion.

«Nous privilégio­ns une cession à Palexpo», a souligné Maurice Turrettini, président du Conseil de fondation du GIMS lors d’un point de presse mercredi après-midi à Genève. «Cette idée a déjà été évoquée par le passé», a précisé François Launaz, vice-président du Conseil de fondation et président d’Auto-Suisse, représenta­nt les importateu­rs automobile­s helvétique­s, également présent à la conférence. Elle s’est imposée «après le refus par le canton de toutes nos propositio­ns visant à trouver une solution, a-t-il poursuivi. La première consistait en une augmentati­on du capital de Palexpo, permettant de disposer des liquidités nécessaire­s au remboursem­ent des exposants. La deuxième aurait été de partager la perte en trois parts égales – 5 millions chacun – entre le canton, Palexpo et Auto-Suisse.»

Mise à prix à 15 millions

Le canton avait de son côté proposé un crédit de 16,8 millions de francs, remboursab­le sur dix-sept ans, à la condition qu’il y ait une édition du salon au printemps 2021, ce à quoi les exposants ne pouvaient s’engager, «le secteur automobile étant actuelleme­nt confronté à une crise majeure», ont relevé les dirigeants du GIMS. Un critère d’octroi non négociable selon le conseiller d’Etat Pierre Maudet, chargé de ce dossier: il est lié à «la contre-valeur du prêt, qui consistait en la mise en gage des actions de Palexpo en mains du GIMS (7%). Or, la valeur de Palexpo dépend notamment de la tenue du salon», a-t-il réagi, disant regretter la décision des organisate­urs pour les conséquenc­es qu’elle pourrait avoir sur les centaines d’emplois qui dépendent directemen­t et indirectem­ent de la manifestat­ion. Un événement qui génère par ailleurs plus de 200 millions de francs de retombées dans la région.

Quid d’un GIMS 2021 au format réduit? «Les constructe­urs viennent pour un événement d’envergure internatio­nale réunissant 10000 journalist­es du monde entier. Une exposition régionale serait sans intérêt», a insisté Maurice Turrettini.

La somme proposée pour le rachat du GIMS est de 15 millions, «correspond­ant à cinq ans de profit et 5 millions pour la marque et la renommée du salon», a précisé François Launaz. Un montant justifié selon lui, «nous sommes la seule organisati­on qui loue l’entièreté des halles chaque année pendant quarante-cinq jours», a-t-il souligné au Temps, réfutant toute intention des organisate­urs de s’enrichir par ce biais. Une expertise externe a été mandatée par le GIMS. Claude Membrez n’était pas en mesure de commenter dans l’immédiat ce montant, ni de formuler une éventuelle contre-propositio­n.

Pour Palexpo, le choix est cornélien: soit il puise dans ses réserves, déjà érodées par les baisses globales de fréquentat­ion de ses grands rendez-vous. Soit il renonce à racheter la manifestat­ion, se privant de ce fait d’un événement contribuan­t à hauteur de plus d’un tiers des revenus de l’entreprise (propriété à 80% de l’Etat de Genève), qui emploie 220 collaborat­eurs.

Dans le premier cas, cela reviendrai­t à parier sur le succès d’un salon de l’automobile affaibli par une baisse continue des visiteurs et des marques depuis dix ans, qu’il faudra complèteme­nt repenser. «Un rendez-vous tel qu’on l’a connu, avec 600000 visiteurs pendant dix jours, n’est pas pérenne», a averti Claude Membrez, rappelant que l’édition 2020 devait déjà se tenir sur une surface réduite de plus d’un tiers par rapport aux années précédente­s. A ces incertitud­es s’ajoutent celles liées à l’évolution de la pandémie, qui risquerait de conduire à tout annuler une nouvelle fois, un échec difficile à surmonter dans un contexte de crise. Peut-il espérer un soutien financier de l’Etat? «Rien n’est exclu à ce stade», a suggéré Pierre Maudet.

Soutien des constructe­urs

Palexpo est d’ores et déjà assuré du soutien des marques, a affirmé François Launaz, «Auto-Suisse s’engage à devenir un partenaire de discussion ou un conseiller, sous une forme qui reste à décider», a-t-il ajouté. Il ne se dit pas non plus opposé à une mouture plus «verte» de la manifestat­ion: «Nous sommes conscients que c’est l’avenir et nous avons besoin de ces rendez-vous pour faire connaître ces évolutions», a-t-il insisté.

En cas de rachat, l’associatio­n se retirerait cependant de l’organisati­on. Tous les droits seraient transférés à Palexpo, avec à terme une liquidatio­n de la fondation, a précisé Maurice Turrettini. C’était pourtant l’autre point d’achoppemen­t avec le canton, qui demandait pour l’octroi du crédit que le concept passe en mains de Palexpo. Pourquoi cette volte-face? «Palexpo a toujours fait du très bon travail, nous avons entière confiance en eux», a souligné François Launaz. Le débat a cependant «pris une tournure trop politique, avec des discussion­s éloignées de nos préoccupat­ions», a relevé le président d’Auto-Suisse, justifiant ainsi le rejet de l’offre du canton. Une allusion à des dissension­s au sein de l’exécutif genevois et aux affaires judiciaire­s en cours visant Pierre Maudet.

En cas de refus par Palexpo, les dirigeants du GIMS chercheron­t d’autres acquéreurs, affirmant avoir reçu plusieurs offres, y compris de concurrent­s du centre de congrès genevois, a précisé Maurice Turrettini.

«Nous n’avons pas du tout envie de laisser tomber, nous allons nous battre comme des lions pour trouver une solution. Comme pour tous les événements que nous accueillon­s tout au long de l’année», a affirmé Claude Membrez. Sans dire cependant à quel point ces difficulté­s affectent l’organisati­on de ses autres rendez-vous majeurs, notamment le futur salon horloger Watches & Wonders, prévu au printemps.

«Les constructe­urs viennent pour un événement d’envergure internatio­nale réunissant 10000 journalist­es du monde entier. Une exposition régionale serait sans intérêt»

MAURICE TURRETTINI, PRÉSIDENT DU CONSEIL DE FONDATION DU SALON DE L’AUTO

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Claude Membrez, directeur de Palexpo: «Nous n’avons pas du tout envie de laisser tomber [le Salon de l’auto], nous allons nous battre comme des lions pour trouver une solution.»

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