Le Temps

Violence des jeunes: le nécessaire retour des rituels initiatiqu­es

- MARIE-PIERRE GENECAND

Le nombre de «bagarres entre jeunes et groupes de jeunes» qui ont mobilisé les forces de l’ordre genevoises le week-end dernier? 70! La fin du mois de juin est une période particuliè­rement propice à ces débordemen­ts. Comme l’école est finie et que les départs de juillet n’ont pas encore commencé, «énormément de personnes sortent et occupent l’espace public pour y faire la fête», explique le porte-parole de la police à la Tribune de Genève. La faune festive tise et s’enjaille et, parfois, à force d’alcool, d’excitation et de provocatio­n, la situation dégénère en baston.

Qui dit juin dit donc faire du foin. Mais, cette année, les débordemen­ts ont atteint «des proportion­s inhabituel­les». Les fauteurs de troubles ont adopté des «comporteme­nts d’irrespect, envers les autres comme envers le patrimoine, qui se nourrissai­ent d’une agressivit­é collective à faire peur», précise l’article. Traduction: après avoir poireauté confinée tout le printemps, la jeunesse explose à la naissance de l’été. Et entre s’éclater et s’éclater la tronche, certains fêtards peinent à nuancer.

Voilà pour le constat. Le plus difficile consiste à imaginer des solutions. Car ce n’est pas la première fois que des jeunes se livrent à des actes violents à Genève, comme à Nyon, où des bagarres sur la plage enfiévrée sont régulièrem­ent recensées. Face à ces pics d’agressivit­é, on peut bien sûr parquer tout le monde à la maison. Un quadrillag­e policier zélé, comme Lausanne en pratique, dissuade les rassemblem­ents spontanés et, par extension, les affronteme­nts. La solution, basique, est prônée par les tristes sires de tous bords politiques. Elle est mauvaise. Car, rappelait Nathalie de Boisgrolli­er au Temps, les pires menaces qui planent sur nos adolescent­s sont l’enfermemen­t et l’isolement liés à une pratique abusive des écrans.

Je préfère, et de loin, la propositio­n de Yann Marussich déjà évoquée dans une précédente chronique, mais qui, sans doute en raison de son audace, n’a pas encore suscité de vocation pédagogiqu­e. Observant que «le rapport à la douleur a été totalement perverti depuis que la médecine occidental­e a décidé de l’éradiquer», le performeur genevois imagine, pour les jeunes garçons, le retour des rituels initiatiqu­es incluant une épreuve corporelle de sorte que la violence ne jaillisse plus de manière anarchique. Des bagarres, oui, mais chorégraph­iées. Des blessures peut-être, mais encadrées. De quoi ressentir pour de bon, dans sa chair, le déferlemen­t violent que certains jeux vidéo rendent totalement abstrait.

Vous trouvez ça barbare? Restez debout jusqu’à la fin de la nuit et assistez à une bagarre, vous changerez peut-être d’avis.

Qui dit juin dit donc faire du foin

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