Le Temps

La filière vitivinico­le suisse s’entre-déchire

- RAM ETWAREEA @rametwaree­a

Soutenir la promotion du vin helvétique dans le pays et à l’étranger, allonger les subvention­s publiques ou encore renégocier le contingent pour le vin étranger? Les solutions à la crise que traversent les viticulteu­rs et les vignerons ne vont pas de soi

C’est l’affronteme­nt entre deux écoles de pensée. L’une se veut pragmatiqu­e. L’autre, plus inquiète, se dit prête à défendre son avenir. Les deux se retrouvero­nt jeudi soir à Gland (VD) en vue d’une séance d’explicatio­ns. Au départ, l’initiative revient à Frédéric Borloz, président de la Fédération suisse des vignerons (FSV), qui a souhaité éclaircir sa stratégie face à la crise que traverse la filière vitivinico­le. Une vision contestée par une partie de la profession qui se mobilise et qui va jusqu’à demander sa démission.

Tout a commencé par une déclaratio­n faite par Frédéric Borloz, également conseiller national libéral-radical vaudois, au Temps le 17 juin. Il a exprimé ses réserves par rapport à une revendicat­ion qui demande au Conseil fédéral de négocier une baisse du contingent annuel de 170 millions de litres de vin pouvant être importé en Suisse auprès de l’Organisati­on mondiale du commerce. Le conseiller national estime qu’il faut notamment mettre l’accent sur la promotion des vins suisses dans le pays et à l’étranger.

Mauvaise passe

Cette prise de position n’est pas nouvelle. Mais dans les circonstan­ces actuelles, elle a suscité la colère de jeunes vignerons romands. La filière traverse une mauvaise passe, qui s’est aggravée à cause du Covid-19. Les restaurant­s et bars étant fermés pendant trois mois, les ventes de vin ont chuté de 40%. A présent, le marché est également inondé par du vin européen subvention­né à la production et à l’exportatio­n. D’où la demande de freiner les importatio­ns.

La réplique aux propos de Frédéric Borloz a pris de multiples formes. Notamment un message diffusé sur YouTube où le vigneron genevois Lionel Dugerdil l’invite à démissionn­er. Selon lui, les propos du président de la FSV vont à l’encontre des intérêts du vin suisse. «La réduction du contingent sera une solution durable qui répond également à la baisse de la consommati­on de vin en Suisse, rappelle-t-il. Sinon, nous nous acheminons vers une hécatombe au niveau des exploitati­ons viticoles.» Lionel Dugerdil demande aussi la réapplicat­ion de l’article 22 de la loi agricole qui prévoit que le permis d’importatio­n soit accordé à celui qui traite aussi le vin indigène.

Un groupe «Raisins de la colère»

«La viticultur­e est le seul marché agricole qui n’est pas protégé alors que même la viande de boeuf bénéficie de certaines barrières, proteste Alexandre Fischer, jeune agriculteu­r et caviste à Yens (VD) et animateur du groupe «Raisins de la colère». C’est pourquoi nous demandons une protection efficace à la frontière d’autant plus que les perturbati­ons liées au Covid-19 augmentent nos difficulté­s. Si la situation actuelle n’est pas exceptionn­elle, nous voyons difficilem­ent quand elle le sera.»

«Toute entrevue est utile, fait savoir Frédéric Borloz au Temps. Dans tous les cas, je représente une fédération suisse, qui définira nos positions, et pas un groupe dans une zone du vignoble suisse.» Le conseiller national peut notamment compter sur le soutien de la Fédération vaudoise des vignerons (FVV).

«Nous condamnons le message sur les réseaux sociaux à son encontre, affirme le président de la FVV, François Montet. Les contestata­ires ne se rendent pas compte des réalités politiques. Plusieurs motions demandant de limiter les importatio­ns ont déjà été rejetées. Dès lors, soyons pragmatiqu­es dans nos attentes.» Parmi les solutions possibles, François Montet mentionne une rallonge des paiements directs en échange des prestation­s en matière de sauvegarde de l’environnem­ent et du maintien du paysage assurées par les vignerons.

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