Le Temps

Londres se convertit à l’interventi­onnisme d’Etat

- ÉRIC ALBERT, LONDRES @IciLondres

Le premier ministre, Boris Johnson, a annoncé mardi un plan de relance, alors que l’économie britanniqu­e est l’une des plus touchées au monde par les effets de la crise du coronaviru­s

Le slogan était en évidence sur l’avant du pupitre derrière lequel Boris Johnson a prononcé son discours mardi: «build, build, build» (construire, construire, construire). Alors que son pays s’apprête à sortir du confinemen­t, le premier ministre britanniqu­e a voulu afficher sa philosophi­e économique: pas question de retourner à l’austérité de la dernière décennie. L’heure est à la dépense.

«Le monde a changé depuis 2008, nous faisons face non seulement à un défi plus grand […] mais ce moment nous offre l’occasion d’être plus radical, de faire les choses différemme­nt.» S’exprimant depuis une usine en banlieue de Birmingham, il compare son effort à celui de Franklin D. Roosevelt dans les Etats-Unis de la Grande Dépression, promettant un New Deal et «une énorme quantité d’interventi­ons du gouverneme­nt».

Boris Johnson a évoqué un programme de constructi­on et de rénovation de 40 hôpitaux, la constructi­on d’une cinquantai­ne d’écoles, le développem­ent de projets ferroviair­es et routiers. Mais derrière l’envolée lyrique, aucun projet n’est nouveau. Le politicien ne fait qu’accélérer des travaux déjà prévus, pour 5 milliards de livres (5,8 milliards de francs). Son chancelier de l’Echiquier, Rishi Sunak, doit présenter des mesures d’urgence la semaine prochaine et il prépare un grand budget à l’automne.

Chômage partiel inédit

Le Royaume-Uni a tourné la page de l’austérité et du libéralism­e de Margaret Thatcher pendant cette pandémie. A l’instar de la plupart des pays européens, Londres a mis l’économie sous perfusion le temps du confinemen­t. Le plus spectacula­ire a été le chômage partiel: le RoyaumeUni, qui n’avait pas de tel système auparavant, en a créé un de toutes pièces en un temps record. Neuf millions d’employés perçoivent désormais 80% de leur salaire, payé par l’Etat (dans la limite de 3000 francs par mois, le salaire médian). Les autoentrep­reneurs, aussi, ont reçu des aides, de même que le secteur caritatif, développé outre-Manche.

Cette interventi­on relève en partie d’un choix politique. Avant la pandémie, Boris Johnson avait fait campagne pour plus d’interventi­on et un rééquilibr­age en faveur du nord de l’Angleterre, longtemps délaissé. Un cap maintenu pendant la pandémie.

Confinemen­t trop tardif

L’économie britanniqu­e sera particuliè­rement touchée par la pandémie. Son produit intérieur brut devrait reculer de 11,5% en 2020, selon l’OCDE, tandis que le FMI table sur -10,2%. Seules l’Italie, l’Espagne et la France font aussi mal, avec des chutes similaires. Cet effondreme­nt est la conséquenc­e d’un des pires bilans au monde de la pandémie: 43500 morts officiels du Covid-19.

Ayant imposé le confinemen­t trop tard, fin mars, alors que le virus s’était déjà répandu dans la population, Boris Johnson a été forcé de confiner l’économie plus longtemps. Les pubs et restaurant­s ne rouvriront que samedi en Angleterre. En Ecosse, il faudra patienter jusqu’au 15 juillet, et au Pays de Galles, aucune date n’est annoncée.

Une recrudesce­nce de la contaminat­ion a par ailleurs été enregistré­e à Leicester, dans l’est de l’Angleterre, où un nouveau confinemen­t local a été imposé. Le retour à la normale s’annonce compliqué, et l’impact économique d’autant plus fort.

«Ce moment nous offre l’occasion d’être plus radical, de faire les choses différemme­nt»

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PREMIER MINISTRE BRITANNIQU­E
BORIS JOHNSON PREMIER MINISTRE BRITANNIQU­E

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